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Abus de confiance, par Caroline Eliacheff

jeudi 8 décembre 2011, par Michel Balat

14. ABUS DE CONFIANCE

(7 décembre 2011)

Caroline Eliacheff, les Matins de France-Culture

Imaginez, cher Marc, que vous soyez un ou une pédopsychiatre psychanalyste ayant une renommée nationale voire internationale dans le domaine de l’autisme auquel vous consacrez tout ou partie de votre vie professionnelle. Une personne se présentant comme journaliste, Sophie Robert vous contacte se recommandant de collègues prestigieux. Son projet : réaliser pour la chaîne Arte une émission sur les grands concepts de la psychanalyse et sur la place actuelle de cette discipline dans la prise en charge des autistes. La référence à Arte vous met en confiance. Après tout, il n’est plus si fréquent d’avoir l’occasion de parler sérieusement de la psychanalyse à la télévision et la prise en charge des autistes est le champ de controverses qu’il serait grand temps de clarifier. Vous recevez donc Sophie Robert qui vous assure que chacun aura le temps d’exposer son point de vue et qu’elle vous soumettra le montage final. Bref, toutes les conditions sont réunies pour que vous y alliez !

Les personnes sollicitées, une trentaine, ont toutes eu droit à un long entretien, alternant questions précises et discussion libre autour par exemple de la biologie de la grossesse, de la place historique de Bettelheim ou encore du concept peu connu de censure de l’amante.

Au final, elles se sont faites rouler dans la farine : la journaliste n’en est pas une, elle n’a jamais eu d’accord formel de la chaîne Arte qui a refusé le documentaire, ce dont elle s’est bien gardée d’avertir les protagonistes. Qu’a-t-elle fait de ces archives ? Eh bien elle n’a pas retenu la leçon de Godard qui disait que le montage est l’art de rendre l’image dialectique. Tout effet de montage étant producteur de sens, Sophie Robert a donné à son documentaire Le MUR un sens unique, celui qui conforte ceux qui veulent éradiquer la psychanalyse de la prise en charge des autistes. L’une de ses techniques a consisté à refaire hors champ une question concernant l’autisme en donnant comme réponse des phrases tronquées extraites d’un autre contexte. L’effet de ridicule est assuré mais plus grave, le message est inversé. En manipulant leurs propos, est accréditée l’idée que les psychanalystes ne font que culpabiliser les parents ; mieux encore : accrochés à des certitudes passéistes, ils sont les uniques responsables du retard pris par la France dans la mise en place de méthodes éducatives qui, elles seules, je dis bien seules, seraient efficaces. En réalité, ces spécialistes de l’autisme non seulement défendent mais mettent en pratique un trépied comportant, comme l’un d’eux le résume " une approche éducative toujours, une approche pédagogique si possible et une approche thérapeutique si nécessaire". Mais pour qui roule Sophie Robert ? Pour une association de parents d’enfants autistes, Vaincre l’autisme qui mène depuis des années une véritable croisade d’intoxication contre les psychanalystes. La projection en salle du MUR a été placée sous son égide avant d’être complaisamment accueilli sur internet.

Trois des interviewés ont demandé à la justice qui se prononcera demain d’interdire ce film. La très sérieuse association CIPPA (Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s’occupant de personnes avec Autisme), dont plusieurs adhérents ont été floués a mis en ligne un dossier rétablissant la vérité autour de leurs pratiques conçues en constante articulation avec les autres approches qui loin de se contredire s’enrichissent les unes les autres. Le Mur est une pure escroquerie qui serait risible si le sujet n’était aussi grave.

Messages

  • Mais pour qui roule Sophie Robert ? Pour une association de parents d’enfants autistes, Vaincre l’autisme qui mène depuis des années une véritable croisade d’intoxication contre les psychanalystes. La projection en salle du MUR a été placée sous son égide avant d’être complaisamment accueilli sur internet.

    Inexact. "Autistes sans frontières" n’a rien à voir avec "Autisme sans frontières", et donc rien à voir avec Vaincre L’autisme.

    C’est "Autistes sans frontières" qui a diffusé le film sur son site Internet à partir du 7 septembre.

  • Caroline Eliacheff ferait bien de vérifier ses informations... Vaincre l’Autisme n’a rien à voir avec la réalisation et les projections du "Mur". Sophie Robert est soutenue depuis le début par un autre collectif, Autistes Sans Frontières, qui organise toutes les projections publiques du "Mur" et qui a, le premier, mis le film en ligne sur son site web.

    Pour le reste, je reste personnellement perplexe devant le déni affiché par les psychanalystes. Car au-dela des accusations portées contre Sophie Robert, il est tout de même surprenant de relever l’écho soulevé par ce film parmi les parents d’enfants autistes et leurs associations. Toutes ont exprimé que ce qui transparait dans ce film, correspond au vécu de la plupart des parents reçus par des psychiatres se réclamant de l’obédience psychanalytique. Alors, si ce film est si manipulateur que cela, comment l’expliquer ? Une hallucination collective ?

    Peut-être que les psychanalystes pourraient enfin se remettre un peu en question, leurs théories comme leurs pratiques dans le domaine de l’autisme. L’avis n°102 du Comité d’Ethique en 2007 n’y a pas suffi, peut-être "Le Mur" pourra-t’il y aider, mais compte tenu de ce qu’on lit sur ce site j’en doute un peu.

  • Madame,

    Je ne fais partie d’aucune association, je n’ai pas d’à priori, mais j’ai un fils de 27 ans autiste qui en a bavé de la connerie des psychanalistes, comme nous tous sa famille, et je dis OUI, il faut éradiquer la psychanalyse de la prise en charge des autistes. La psychanalise n’a rien à y faire et elle est nuisible dans ce cas.
    Oui, les psychothérapeutes d’orientation psychanalityque non seulement ont été et sont encore dans l’ignorance crasse de ce qu’est l’autisme mais dans leur immense majorité ils NE VEULENT PAS savoir. OUI la culpabilisation imbécile des parents qui ont déjà un grave problème provoque un surhandicap, OUI c’est terriblement déroutant OUI les traitements d’orientation "psychanalytique" ou "psychodynamique" empêchent des autistes de faire des progrès OUI les méthodes comportamentalistes ou tout simplement la pédagogie d’une bonne instit’ leur font infiniment plus de bien, OUI on nous avait dit et répété que si nous voulions avoir un diagnostic c’était pour nous déculpabiliser OUI nous avons été jugés, agressés, parfois par de vrais malades mentaux, OUI on nous a dit de laisser tomber les préoccupations scolaires "l’important c’est que l’enfant se retrouve lui-même, pour l’école on verra après" ( !!! ) OUI la psychanalyse ajoute à la confusion mentale des gens qui en souffrent et qui n’en ont pas besoin.
    Je ne sais pas ce qui se passé par rapport à la cinéaste dont vous parlez, mais une chose est sure : Il faut éradiquer la psychanalyse de la prise en charge des autistes. Absolument.