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Blog-Tone du 16 février 2006 : ... et Dieu dans la merde.

mardi 28 février 2006, par Ian Balat

... et Dieu dans la merde.

La critique du fait religieux est un sport reconnu d’utilité publique, mais heureusement très encadré. Chacun a le droit de dire certaines choses à qui veut l’entendre comme : je ne crois pas en dieu, je ne suis pas concerné, c’est pas mon problème, ou des généralités du type : dieu est mort ou dieu il sent des pieds. Il ne faut pas faire de discrimination entre les dieux, du type : le dieu des juifs il est plus fort que celui des chrétiens ; sauf quand on est chrétien, dans ce cas, on peut dire à peu près tout ce qu’on veut sur ce dernier ; si on est juif ou musulman ou bouddhiste, on est tout de même mieux protégé contre ces discriminations que lorsque on est chrétien, parce que la justice protège les minorités (jurisprudence). Il est par contre strictement interdit d’insulter les croyants (sauf généralités du genre il faut être con pour croire en dieu). Dire que les croyants dans tel dieu sont des cons ou que telle religion rend con (sauf si c’est la sienne bien entendu), c’est une insulte condamnée par la loi (dans certains cas).
Confondre enfin une religion et un groupe d’Hommes (rien que cela) est condamnable. Dire les français sont des chrétiens c’est nier qu’il y a des français juifs, des français musulmans, des français bouddhistes, athées ou que sais-je encore. Simplement commencer une phrase par Les juifs... ou Les musulmans... ou Les chrétiens... c’est nier qu’il existe des différences incommensurables entre coreligionnaires. Les généralités sont des objets intellectuels difficiles à manier qui peuvent vous péter à la gueule en moins de temps qu’il n’en faut pour les dire.

Exemple. Les caricatures de Mahomet diffusées dans la presse ne sont à première vue que des caricatures d’un prophète comme nous en vîmes de Jésus, Abraham et consort. Mais voilà, dans ce genre d’affaires, il faut savoir faire la part des choses entre ce qui relève de la croyance personnelle et de la politique. Un catholique pratiquant ne lira pas « La Religieuse » de Diderot, au même titre qu’il n’utilisera pas de contraceptifs ou ira à la messe au moins le dimanche, c’est une question de doctrine et de pratique. Un bon musulman respectera les piliers de l’Islam, mangera hallal etc. Il est possible ensuite de faire la part du culturel et du cultuel, mais, dans la pratique de la foi, les deux sont liés. Rien n’oblige un croyant sincère à s’imposer des choses qu’il condamne ; sauf cas particuliers prévus par la doctrine. Les caricatures faites de Mahomet peuvent choquer, c’est d’ailleurs pour ça qu’elles sont faites. Mais dans le cas actuel, aux premières condamnations habituelles se sont ajoutées des condamnations d’État. Le fond du débat ne porte pas sur la liberté d’expression ou la possibilité de représenter le prophète. Dans les pays musulmans qui ont connu des émeutes à cause de ces caricatures c’est un problème politique, il y a eu volonté d’instrumentalisation des peuples musulmans par des autorités illégitimes pour les détourner des véritables urgences. En France c’est un problème de positionnement des autorités censées représenter les musulmans de France, pour pouvoir continuer à avoir les moyens de constituer un gallicanisme musulman, il fallait qu’elles prennent position pour asseoir un peu mieux leur légitimité.

Exemple. Dieudonné a déconné en faisant parler, dans un sketch très mal écrit, un juif sioniste, terroriste à première vue, sans avoir pris le temps de poser son personnage. Le trouble ne vient pas du fait qu’un humoriste noir se moque de juifs (ou alors mon gars t’es raciste), mais qu’un humoriste ait traité un sujet très sensible en se lançant dans une diatribe miteuse. Il n’est pas possible d’évoquer certaines questions avec autant de légèreté. Il faut laisser ces choses aux Patrick Sébastien et autres Vincent Lagaf’, caricatures vivantes de l’idiot du village qui exprime sans contraintes le racisme du vulgus pecum. Sa deuxième erreur a été d’avoir tenté de défendre sa position en invoquant le manque de considération apporté par « La France » aux souffrances du peuple noir, quand, dans le même temps, elle reconnaissait celles du peuple juif. Ce que « on » appelle le deux poids deux mesures. Il brisait en cela le pacte qui le liait à ceux qui riaient jusqu’alors avec lui et assumait de fait la fonction transgressive des groupes comme les « Black Panthers », mais à la sauce normande. Pourquoi pas ? Après tout, la constitution d’associations de défense des droits des minorités passe souvent par des phases troubles. Simplement il est temps pour lui d’assumer totalement sa nouvelle fonction. Et d’en accepter les conséquences.

Annexe :
L’éthique du journal Jyllands-Posten qui a publié les caricatures : http://www.jp.dk/udland/artikel:aid...