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Blog-Tone du 1er novembre 2005 : Obstruction 3

mardi 1er novembre 2005, par Ian Balat

Obstruction.

Et si l’entreprise était la mystique annoncée pour ce siècle. En terme de divin, d’idéologie rien de bien neuf ces derniers temps sous le soleil. Nous en sommes arrivés à nous inventer des ennemis, des combats mais au fond tout était déjà là. Nous piochons dans les doctrines de temps reculés. Quand j’essaie d’imaginer ce qu’était la guerre froide, l’église catholique dans les temps anciens, je suis pris de vertiges. La destruction nous menaçait quotidiennement, nous n’avions le choix qu’entre le paradis et l’enfer, le capitalisme et le communisme ; la paix sur terre était une vue de l’esprit, aussi bien pour le corps que pour l’âme.

La chute du Mur a été notre édit de Caracalla, et depuis nous répétons continuellement les mêmes rengaines dans la paix universelle, à une échelle toujours plus petite : petits murs, petits fossés, petits conflits. Mais il nous faut encore croire en quelque chose, en quelque chose d’immédiat, d’accessible, de visible. Il nous faut reconstruire nos églises, avec ses rites, sa hiérarchie, sa doctrine, et quel meilleur lieu pour cela que nos entreprises. Tous les jours nous nous y rendons, nous lui consacrons notre temps, nous lui devons nos vies, nous soumettant à ses volontés ; elle a constitué sa doctrine, avec ses pères, ses cardinaux, ses curés de campagne et ses ordres, tous les jours nous voyons ses papes et antipapes à la télé, dans nos journaux, à la radio qui nous répètent combien elle est bonne avec nous, combien nous devons la respecter et œuvrer pour sa gloire, quel que soit le chemin que nous choisissons. Et ce culte s’est répandu dans le monde entier.

Dans tous les pays du monde nous la retrouvons, servie par les mêmes personnes, toutes différentes mais fondamentalement identiques. Qu’elle soit de Chine, de France, du Japon ou d’Afrique du Sud l’entreprise est constituée de la même manière, avec les mêmes buts, régie par les mêmes règles, réunissant en son sein des croyants qui servent tous le même dieu. Un dieu à présent invisible, dématérialisé, dont nous oublions le nom. Il ne restera de son culte que Son culte, de ses rites que Ses rites, et toute trace de son existence terrestre sera bientôt effacée ouvrant pour les siècles des siècles la voie de Sa Gloire à l’humanité.

Je crains d’oublier pour qui je travaille à force de travailler pour lui, sans le voir. En entreprise, nous ne travaillons que pour l’argent, l’oublier c’est servir Sa gloire.