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Blog-Tone du 23 novembre 2005 : Interlude

jeudi 24 novembre 2005, par Ian Balat

Interlude.

Je suis en manque de spécialistes. À part Emmanuel Todd et Hervé LeBras, je traverse la presse comme un désert. Il se passe toujours quelque chose mais on n’y trouve rien. Pourtant je m’obstine ; malgré l’échec Zizek, je sais que quelque part, quelque chose doit émerger. Mais pour trouver cette rareté il faut se mettre en veille. C’est un peu ce que je fais tous les jours avec la presse, mais pas vraiment non plus. Il y a quelques nuances qui valent la peine d’être évoquées.

Longtemps (disons pendant huit ans) j’ai voulu faire de la veille économique. Cette activité équivaut à s’installer sur un marché et tenter d’en comprendre les enjeux émergeants. Ou mieux encore de s’installer près d’un malade et de sentir en lui les moindres sursauts de la maladie. Bref de repérer les signes de ce qui se passe dessous. Moi, je fais de la surveillance, de la garderie de coupures de presse. Je suis là comme un surveillant à l’école, j’interviens en cas de chahut, quand un incident intervient. Ce dernier nous l’appelons citation. Une entreprise apparaît dans un texte, nous individualisons l’article et nous l’intégrons dans un nouvel ensemble qui s’appelle revue de presse.

Ce métier a à peu près un siècle et demi. Il a poussé peu à peu la presse à écrire des articles, en inventant la coupure de presse ; vous pourrez vérifier, un journal était un enchevêtrement de mots. La lecture des vieux journaux est une chose rébarbative. Aujourd’hui, du premier coup d’oeil on peut voir que ça c’est un article, même si du fait des évolutions juridiques récentes on commence à s’y perdre un peu.

La surveillance est née avant la veille. La première a modifié en profondeur la façon d’écrire la presse, la deuxième commence à peine le même processus. Quand la veille aura pris le pas sur la surveillance, les entreprises iront à la pêche à l’information. Déjà le métier commence à être submergé par ce que l’on appelle les agrégateurs de contenus. Comme les surveillants, ils individualisent un article dès qu’une citation apparaît, mais ils font ça de manière automatique. Donc, à terme, notre métier disparaîtra.

Les entreprises reprendront à leurs charges la simple surveillance de la presse, liant leurs services de veille et de surveillance. La grande question est : est-ce que cette fois encore la presse changera ? En surface, rien ne le laisse penser et pourtant, imaginez un instant que tout un chacun puisse consulter des bases de données faciles d’accès et personnalisables à l’extrême ; que restera-t-il à la presse classique ? Il est 19h, le gouvernement vient de prendre une décision importante, il est 15h une étude vient de paraître, il est 7h un attentat vient d’être commis, eh bien vous avez sous les yeux l’analyse de chacun de ces faits, avec commentaires de spécialistes. Et tout ceci, contrairement aux presse radio et télé, à votre rythme...

Ce qui se transforme actuellement c’est la nature même de l’article de presse. L’Internet devait révolutionner le monde de l’information, et il tient « ses » promesses. Et ce sont les entreprises qui mènent la danse. N’oublions pas que ce sont les annonceurs qui « suscitent » le journal, que les services de publicité vendent le lectorat aux annonceurs (fonction OJD). Avec l’appui des entreprises/annonceurs ce qui se fait dans le métier se retrouvera dans la rue.

C’est une révolution lente mais elle a déjà rendu impossible tout retour en arrière. Ce qui va advenir à présent est irrémédiable. Espérons que ça nous conviendra.