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Blog-Tone du 23 octobre 2005 : Obstruction 2
dimanche 23 octobre 2005, par
Obstruction
En entreprise, tout le monde admet qu’il faut apprendre à vivre ensemble et faire semblant de s’accepter les uns les autres. Et pour que ça dure a été inventé ce « vouloir vivre ensemble » qu’est la « culture d’entreprise ». Est paria celui qui ne l’accepte pas ; qui s’y oppose est accusé immédiatement de vouloir la ruine de l’entreprise. Et j’ai déjà entendu la formule « l’entreprise aime la ou quitte la ! ». L’insatisfaction de l’individu est traité de manière expéditive. Dans les limites du droit.
Dans la plupart des associations d’individus, les rapprochements se font par affinités, on se met ensemble parce que l’on a quelque chose à partager, à mettre en commun. Chacun y met du sien comme on dit, on se découvre. En entreprise, rien de tel. On est là pour produire, c’est-à-dire participer à un moment d’un processus qui nous dépasse, et pas pour créer, c’est-à-dire se reconnaître dans le résultat d’un processus qu’on maîtrise.
Un petit groupe d’entrepreneurs d’État (Bébéar, Kessler, Peyrelevade... Seillière) a constitué une doctrine qui est en train d’écraser littéralement la concurrence. Ces doctes hommes qui ensemble ont bien mis 500 000 personnes au chômage et qui ont toujours eu leurs places réservées dans les divers Conseils d’Administration de nos grandes entreprises appellent les français à l’effort individuel. Il faut se remettre au travail, renoncer à son petit confort et accepter de se dépasser, pour le bien de tous.
Les entreprises ont besoin de nous. De nous individus totalement remplaçables mais toujours disponibles et prêts à faire l’effort de nous dépasser pour correspondre au poste auquel nous devons aspirer. À terme, il faudrait que chacun puisse rentrer en totale adéquation avec un poste temporaire, pour lequel il faudra montrer une totale dévotion.
Cette partie avancée du patronat traduit sans détours le souhait de tout patron d’avoir dans son entreprise des salariés heureux de travailler ensemble pour son plus grand profit. Tout le monde sait cela absurde, mais je constate un genre de consensus autour de cette idée. C’est ce que sous-entend le plan de relance Villepin-Borloo. C’est ce que j’entends régulièrement dans l’entreprise dans laquelle je travaille.
Heureusement, la réalité fait obstruction à ce fantasme. L’utopie patronale, même si elle fait déjà des dégâts, c’est pas pour demain.