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Canet, le 09 octobre 2006 La sémiose : extracteur d’éléments du phanéron
lundi 9 octobre 2006, par
Canet, le 09 octobre 2006
La sémiose : extracteur d’éléments du phanéron
M. B. : Je vous présente notre amie Danielle Sveda qui arrive directement d’Israël…
D. S. : Je peux me présenter : je parle anglais, je suis israélienne, en ce moment je suis en vacances ici, à Canet, et je m’intéresse un peu à la sémiotique…
M. B. : Eh bien, c’est gentil d’être venue…Votre spécialité c’est l’éducation…
D. S. : Et la linguistique.
M. B. : L’éducation qui était un des chapitres des préoccupations de Gérard Deledalle…
D. S. : … j’ai rencontré Gérard Deledalle…
M. B. : Très bien… Alors bienvenue !… Bon ! Nous allons essayer de reprendre… Je crois qu’il y a eu des mouvements divers à la suite de la dernière causerie parce que c’était…
Public : Des parenthèses…
M. B. : Ah ! Il y a eu beaucoup de parenthèses ! Je suis coutumier du fait, mais j’ai cru que l’ensemble était…
Public : Non ! Finalement c’était une parenthèse ancienne !…
M. B. : Oui, c’est une mauvaise habitude, les parenthèses. On avait tenté de poursuivre notre étude de cette difficile et récurrente question des rapports entre la psychanalyse, la sémiotique… et la vie institutionnelle, pour faire bon poids. Depuis le début de l’année j’essaie de parler un peu de la sémiose, et d’en parler de différentes façons, et ce que je faisais remarquer la dernière fois, de manière un peu insistante, c’était la nécessité de reprendre la question du pragmatisme.
Hormis la maxime du pragmatisme que je vous ai à peu près citée, il existe plusieurs variantes qui pourraient éclairer ça, et en particulier une phrase de Peirce que j’aime beaucoup parce qu’elle se présente comme une maxime kantienne : « Ne pas bloquer le chemin de la recherche »
C’est quelque chose qui doit être lu à plusieurs niveaux. « Ne pas bloquer le chemin de la recherche » signifie qu’il faut laisser sa chance aux idées dans les conditions mêmes de la recherche. Ça peut paraître trivial dans la mesure où tout le monde peut s’accorder à reconnaître ça, sauf que la plupart des institutions intellectuelles sont généralement organisées pour bloquer. Pour l’illustrer vous avez l’exemple de la décision prise par le Collège de linguistique au début du XXe siècle, qui était : « Nous refuserons toute intervention et toute recherche qui porterait sur l’origine des langues. » C’était très ennuyeux parce qu’un grand nombre de thèses portaient sur ce sujet, et finalement rien ne pouvait être sérieusement installé, moyennant quoi, la question de l’origine des langues passait à la trappe. Et dans cette décision qui avait été prise, il me semble qu’il y avait quelque chose qui appartient à ce registre.
Très bel exemple et contre-exemple en mathématique : en mathématique on sait qu’un grand nombre de mémoires ont été écrits pendant des siècles sur le problème de la quadrature du cercle — en fait, la quadrature cercle n’a rien de mystérieux, c’est construire un carré de la même circonférence qu’un cercle en s’aidant uniquement des instruments fondamentaux de la géométrie : la règle et le compas —, par des gens qui croyaient avoir démontré la chose. À un moment donné, l’assemblée des mathématiciens aurait très bien pu dire : « À partir de maintenant nous refuserons tout mémoire portant sur la quadrature du cercle », sauf que le chemin suivi a été tout à fait différent. Ils ont, certes, interdit tout mémoire démontrant la possibilité de cette quadrature, mais pas son impossibilité ! Et, un beau jour, un mathématicien a démontré (en fait, plusieurs ) qu’il était impossible de carrer un cercle avec la règle et le compas. Vous voyez, il me semble qu’on est là devant quelque chose de tout à fait différent. En effet, si, dans cette assemblée qui avait décidé de ne plus parler de l’origine des langues, quelqu’un s’était levé et avait dit : « Je vais vous démontrer qu’il est impossible de se poser cette question sainement », la démonstration étant reconnue par tout le monde, on aurait pu…
Il existe de nombreuses occasions de bloquer les chemins de la recherche, et ça se présente dès l’enfance.
On peut dire qu’on dépragmaticise beaucoup d’enfants en leur interdisant de se livrer à un certain nombre d’expériences : « Ah non ! Ces expériences, tu ne les mèneras pas ! » — « Et pourquoi ? » — « Peu importe ! », on trouve toujours quelque chose qui motive l’interdiction, de sorte qu’on bloque le chemin de la recherche pour ces petits chercheurs extraordinaires que sont les enfants…
Si l’on suit ce que raconte Pierre Delion quand il dit : « L’enfant est un savant qui mène sa recherche dans un laboratoire tenu par les laborantins que nous sommes. », on peut dire que l’enfant se voit ouvert totalement le chemin de la recherche…
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