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Canet, le 15 Mars 2010 Hospitalité et amitié
lundi 15 mars 2010, par
Canet, le 15 03 2010
Hospitalité et amitié
M. B. : On est quel jour déjà ?
Public : Le 15.
M. B. : Déjà, le 15 mars, c’est effrayant, lundi 15 mars 2010. Dimanche il y a… Mais elle n’arrête pas une minute…
G. F. : (rires)
M. B. : Et toujours, elle ne peut pas s’en empêcher. Ça fait cent ans que je la connais, et depuis cent ans elle fait comme ça…
G. P. : C’est à cause de Laura…
M. B. : Ah, de Laura… Laura Grignoli écrit des livres qui sont absolument épatants, je ne vous ai jamais montré les livres de Laura ?
Public : Non…
M. B. : C’est en italien, elle est italienne…
G. F. : En catalan aussi on dit Laura…
M. B. : Oui, peut-être qu’en italien on ne dit pas Laura d’ailleurs. Moi, je dis Laura peut-être à la catalane, alors c’est Perché i gatti non dicono bugie ?… Pourquoi les chats ne disent pas de bêtises ? c’est pas mal ça, comme truc…
G. P. : C’est un beau titre.
M. B. : Elle fait un cours de philosophie aux enfants de maternelle, elle note toutes les choses que disent les enfants, c’est extraordinaire, c’est un livre épatant, elle a écrit un deuxième livre mais mon idiot d’éditeur ne veut pas le publier, ils font chier, ils ne servent à rien, ces types… c’est percorsi transformati in art therapia, parcours transformatif en art thérapie… Ce dimanche, on va faire tous les deux un blabla sur l’art thérapie, je n’y connais rien, ça va, je peux en parler, puisqu’on ne parle que de ce qu’on ne connaît pas, comme vous le savez, car si on le savait on n’en parlerait pas, on n’en aurait rien à foutre, c’est parce que on est continuellement à se dire mais qu’est-ce que c’est ce truc-là ? On essaie de parler pour expliciter ce qu’on ne se sait pas savoir, c’est toujours ça, le travail… L’université, c’est autre chose, c’est le contraire, on n’a le droit de parler que de ce qu’on croit savoir parce qu’il faut être prudent. Nous, notre boulot c’est de parler de ce qu’on ne se sait pas savoir, arriver à trouver le moyen etc., comme par exemple aujourd’hui comme toujours, je n’ai pas la moindre idée de ce dont je vais parler, à part le mot, j’ai dévoilé en public que tu m’avais envoyé un mot, que je t’avais répondu et que ça m’avait touché…
Figurez-vous, nous étions donc en réunion à l’hôpital de jour, au CMP, de pédo-nord, dans lequel tu travailles avec d’autres, dans lequel Dominique a travaillé pendant des siècles, de temps en temps on se retrouve là pour parler un peu de ce qui se passe, on sait pas trop de quoi d’ailleurs, c’est bizarre ces réunions, moi j’étais comme toujours un peu vaseux, il faut être dans un état doucement vaseux, parce que si on est trop excité, on embête les autres, on les empêche de penser… Au bout d’un quart d’heure de réunion je reçois un coup de téléphone, on m’annonce la mort de mon cousin germain, ouf, je me dis que je ne vais pas les emmerder avec mes histoires, je ne vais pas leur dire et je me suis rentré ça, c’est un truc vachement délicat, de parler ou non, il y a une décision à prendre tout de suite, pour parler de ces choses-là il faut avoir un tissu plus solide, ça peut passer dans les trames et même contribuer à la constitution du tissu… À Château Rauzé, une clinique dans laquelle je travaille depuis vingt ans sur l’éveil de coma, avec les équipes, le tissu est bien, ça va, là j’aurais pu le dire, de manière à m’en débarrasser et pouvoir être tranquille pour la suite des événements mais là, impossible de parler de ce que je suis en train de ressentir, parce que je pensais que le tissu n’était pas assez solide, ce qui fait que je me le suis gardé, seulement voilà, on le paie toujours… C’est une expérience intéressante sur le plan tonal, ça a introduit chez moi une espèce de tension. Vous savez, le ton, la trace, le type, c’est de la sémiotique, le ton, comme son nom l’indique, c’est une dimension presque… comment dire imageante, ça ne s’attrape pas, c’est insaisissable, c’est là, présent.
(…)