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Canet, le 15 octobre 2007 L’émerveillement de l’abduction
lundi 15 octobre 2007, par
Canet, le 15 10 2007
L’émerveillement de l’abduction
M. B. : Nous sommes le 15 octobre 2007. (Sonnette.) Ah ben voilà, il fallait lancer la chose… (rires) Oui, il faut avoir comme ça, des personnes ressources… Ça me rappelle un monsieur qui venait me voir il y a de nombreuses années, et un jour, je trouvais qu’il était vraiment à l’heure, mais vraiment, et une fois, juste avant l’heure, j’ai appelé l’horloge parlante, eh bien, j’ai entendu la porte s’ouvrir au quatrième top… C’est extraordinaire, ça ! C’est une névrose obsessionnelle carabinée là, avec une telle intégration du temps… Parce qu’on peut être à l’heure, on peut être angoissé, enfin on peut être à l’heure, on peut être agressif… Vous connaissez l’histoire… (Hello à L. F.-C.) Donc tu me donnes le moment du départ…
L. F.-C. : Ce n’est pas toujours vrai…
M. B. : Non, ce n’est pas toujours vrai, c’est ça qui est embêtant. L’histoire, c’est l’histoire que se racontent, paraît-il, les psychanalystes : si quelqu’un arrive en retard, c’est un agressif sournois ; s’il arrive à l’heure, c’est un obsessionnel ; s’il arrive en avance, c’est un angoissé… (rires)
Bon, aujourd’hui, on va essayer de continuer, lentement mais sûrement. Là, je suis vraiment désolé parce que je sens que je suis actuellement sur des choses qui sont peut-être moins intéressantes sur le plan de la clinique, mais qui, en même temps, me semblent indispensables pour pouvoir mettre tout ça en place : si l’on veut pouvoir parler de l’interprétant il faut aller naviguer dans plein d’eaux bizarres, avec des grands vents, des tempêtes, et peu de moments de grand calme ; il n’y a pas trop de pot-au-noir là.
Autour de cette question j’avais essayé de montrer qu’il y avait un rapport très étroit entre la question de l’interprétant et la question de la continuité. Je l’avais suffisamment expliqué pour ne pas y revenir maintenant, et j’en étais venu à vous dire quelque chose qui est d’une importance considérable, à savoir que si l’on veut pouvoir évoquer de façon non piagétienne, la question de la manière dont l’enfant rentre dans le langage, c’est-à-dire assume la position que nous avons pris l’habitude d’appeler ici la « position de scribe », eh bien, à ce moment-là, il faut qu’il soit déjà largement plongé dans ce que j’avais appelé la dernière fois l’« argument » ; et il faut qu’il soit déjà capable de saisir la dimension argumentale du langage. Il n’y a aucune possibilité de s’emparer du langage de quelque façon que ce soit si l’on ne saisit pas sa dimension argumentale. Lorsque, mettons, devant ce stylo, l’enfant montrant du doigt dit « bleu », on pourrait être tenté, et on le fait, d’appeler ça une holophrase. Sur un plan sémiotique, on pourrait dire que le doigt est un indice et que le mot « bleu » est un rhème. Le rhème, c’est en somme l’attribut, l’épithète, mais c’est aussi le verbe. Dans la proposition « je marche », il y a un « je » qui est du niveau, disons, de l’indice, et un « marche » qui est du niveau du rhème, du verbe, et l’on peut dire que « je marche », eh bien, ça marche parce que les deux éléments sont concaténés. C’est grace à cette concaténation que le rhème s’applique à « je », qui est un indice, ou plus précisément un type indiciaire. Le langage comporte donc des choses comme celles-là, et ça, comme vous le savez depuis toujours, ça s’appelle une proposition, et, de même qu’il y a un niveau où l’on pourrait traiter le langage comme composé d’autant de mots, de termes, comme on disait à l’époque, de même il y a un niveau où l’on pourrait tout traiter comme des propositions.
Vous êtes d’accord, on analyse, on prend une phrase : « En effet, il ne s’agit plus ici de la discontinuité naturelle du langage mais d’un hiatus plus fondamental où, d’une certaine façon, la parole montre soit une surcharge soit une carence au niveau de son messager de l’émotion, dans l’expérience du sujet avec son expérience vitale. »
(…)