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Canet, le 12 11 2007 L’être humain n’est pas un pinson.

lundi 12 novembre 2007, par Michel Balat

Canet, le 12 11 2007

L’être humain n’est pas un pinson.

M. B. : Nous ne nous sommes pas vus depuis plusieurs semaines, et figurez-vous que quand on ne se voit pas, ça m’inspire (rires). J’ai regardé un reportage animalier sur les pinsons des Galápagos, et à cette occasion, j’ai pu voir quelque chose d’intéressant : le fait que les pinsons des Galápagos, pour se nourrir, mangent les vers des arbres. C’est tout simple, mais le hic, c’est qu’ils ont un bec trop gros, trop court, en forme d’entonnoir. Il leur permet de trouver les galeries, mais arrivés devant la bestiole, au moment de s’en emparer ils ne peuvent pas. C’est un sort cruel, mais ils ont la parade. Ils vont choisir une brindille sur un arbre, et si la brindille est légèrement effilée, ils coupent le haut et ne gardent que le bas, c’est très étudié ; puis avec celle-ci ils arrivent à accrocher la bestiole, la font un peu sortir, se débarrassent de la brindille et prennent le vers, qu’ils tirent et qu’ils mangent. Même avec ces remarquables outils que sont les mains de l’homme peut-être aurez-vous quelques difficultés à extraire un ver d’un arbre, — mais peut-être la perspective de le manger après l’avoir débusqué vous enchante-t-elle modérément.

Alors, voici la réflexion profonde que je me suis faite en regardant ce reportage : « Mais, au fond, le bébé est con » puisqu’il n’est même pas capable de faire ce que fait le pinson des Galápagos.

Public : Il y a la prématuration qui…

M. B. : Ah voilà ! Alors c’était ça ! Parce que, évidemment, nous sommes tous bardés de références comme celle-là, la néoténie, etc., mais ça ne suffit pas. Parce que, au bout de quelque temps, le bébé n’est plus prématuré. Quand il est prématuré, admettons qu’il soit désavantagé pendant quelques temps par rapport aux autres, mais il ne l’est plus au bout de peu de semaines.

Public : C’est une dépendance physiologique aussi, son corps a besoin d’un adulte qui réponde à ses besoins les plus physiologiques.

M. B. : De quoi parle-t-on là ?

Public : Question d’autonomie, enfin je pensais à l’oiseau qui se débrouille pour trouver une solution, il sait vers quoi il veut aller et il trouve une solution pour y arriver, et voilà. L’oiseau, dans ce cas, trouve une solution pour combler ce qu’il lui manque pour atteindre son objectif.

M. B. : Autrement dit l’oiseau a un manque et il va trouver une solution parce qu’il a pensé à la brindille ? Ah, le désir de l’oiseau…

Public : Ou par tâtonnements ?

M. B. : Mais tous les pinsons des Galápagos font ça ou peuvent le faire. Simplement, pourquoi le gamin qui a six mois est-il incapable de faire un epsilon de ce que fait l’oiseau, le chat ou n’importe qui, dans les mêmes conditions ? Alors je sais que vous avez déjà beaucoup de réponses dans votre tête, mais peut-être s’agit-il de réponses qui sont là pour ne pas réfléchir à ça ? Je pose la question sous la forme suivante : pourquoi le bébé est-il incapable de faire la moindre chose astucieuse ? Quand on voit toutes les prouesses des animaux, les captations avec les couleurs, etc., des plantes, peut-être même des pierres, on se dit que toute ce qui nous entoure, et qu’on appelle habituellement la nature, est là pour nous prouver l’extraordinaire capacité de création dans l’évolution. Or le petit d’homme, lui, est mal fichu d’emblée. C’est saisissant, ça. Je veux bien admettre la prématuration mais la maturation arrive vite et, pour autant, il est toujours aussi mal fichu (et il le reste, non ?). Je ne vois pas cette explication classique comme une réponse à la question que je pose.

O. F. : Et s’il pouvait faire un tas de choses est-ce qu’il parlerait ?

M. B. : Ah ! L’incomplétude, le manque, etc. Mais pourquoi doit-il parler ?

M. P. : Pour communiquer…

Public : Il communique gestuellement, il a un langage gestuel, enfin quand on est au milieu de bébés en bonne santé.

M. B. : Mais, les chats, ça communique à plein bords. Mais pourquoi, le bébé, doit-il parler ?

O. F. : Peut-être que la parole fait office de la brindille qui permet d’aller chercher le ver ?

M. B. : Autrement dit la parole serait ustensile à sa racine.