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"Comment se fixe la croyance" et "Comment rendre nos idées claires"

jeudi 16 juin 2005, par Michel Balat

On se soucie peu généralement d’étudier la logique, car chacun se considère comme suffisamment versé déjà dans l’art de raisonner. Mais il est à remarquer qu’on n’applique cette satisfaction qu’à son propre raisonnement sans l’étendre à celui des autres.
Le pouvoir de tirer des conséquences des prémisses est de toutes nos facultés celle à la pleine possession de laquelle nous atteignons en dernier lieu, car c’est moins un don naturel qu’un art long et difficile. L’histoire du raisonnement fournirait le sujet d’un grand ouvrage. Au moyen âge, les scolastiques, suivant l’exemple des Romains, firent de la logique, après la grammaire, le premier sujet des études d’un enfant, comme étant très facile. Elle l’était de la façon qu’ils la comprenaient. Le principe fondamental était, selon eux, que toute connaissance a pour base l’autorité ou la raison. Mais tout ce qui est déduit par la raison repose en fin de compte sur des prémisses émanant de l’autorité. Par conséquent, dès qu’un jeune homme était rompu aux procédés du syllogisme, son arsenal intellectuel passait pour complet.
Roger Bacon, ce remarquable génie qui, au milieu du XIIIe siècle, eut presque l’esprit scientifique, n’apercevait dans la conception scolastique du raisonnement qu’un obstacle à la vérité. Il voyait que seule l’expérience apprend quelque chose. Pour nous, c’est là une proposition qui semble facilement intelligible, parce que les générations passées nous ont légué une notion exacte de l’expérience. A Bacon, elle paraissait aussi parfaitement claire, parce que ses difficultés ne s’étaient pas encore dévoilées. De tous les genres d’expériences, le meilleur, pensait-il, était une intuition, une lumière intime qui apprend sur la nature bien des choses que les sens ne pourraient jamais découvrir : par exemple, la transmutation des espèces.