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Frédéric Scheider : Voulons-nous des Sarkopitaux psychiatriques ?

jeudi 6 novembre 2008, par Michel Balat

Voulons-nous des Sarkopitaux psychiatriques ?

Dans le discours d’Antony, Sarkozy flatte l’humanisme des soignants pour mieux amener sa conception sécuritaire de la psychiatrie. La loi de 1838 sur les placements d’office et volontaires était une loi libérale d’ "ordre et de liberté", la loi de 1990 se voulait plus libérale encore. Il était encore question d’elle avec « Sécurité et Liberté », mais aujourd’hui, la liberté n’est plus au goût du jour.

Ce discours d’Antony sonne le glas d’une psychiatrie qui se risquait depuis Pinel à aller auprès du patient pour le "libérer de ses chaines", et tisser une alliance thérapeutique avec la partie saine du malade. Sans cette alliance respectueuse, point de confiance, point de transfert, point de soin possible. Les aliénistes après lui ont été heureux peu à peu de diminuer dans les asiles le nombre de "loges". Ils ont tout fait pour défendre les aliénés devant les tribunaux, et les soigner dans des asiles qui ne soient plus des prisons.

Sarkozy, lui, après qu’on a fermé trop de lits de psychiatrie, ouvre des chambres d’isolement sécurisées par des caméras et passe aux malades le bracelet magnétique des condamnés !

Pinel ouvrait des infirmeries spéciales pour soigner les aliénés dans les vastes hôpitaux généraux hérités de l’âge classique, Sarkozy multiplie à souhait les quartiers de "force" dans l’hôpital psychiatrique.

Mais en même temps, ce discours paraît anodin, il ne soulèvera sans doute pas le tollé qu’on croirait, parce qu’il dit tout haut ce que l’on perçoit partout, et qu’il reflète tout à fait la tendance qu’on observe depuis quelques années dans les hôpitaux psychiatriques, grands ou petits : déqualification du personnel infirmier et médical, raréfaction du personnel et des temps véritablement soignants, concentration des patients graves, turn over effréné, montée de la peur des professionnels, durcissement et rigidification des règles institutionnelles pour tous, soignants et soignés, qui va de pair avec la mort des initiatives et de l’imagination des soignants. Les malades, à juste titre, vont pouvoir avoir à nouveau peur, et nous n’aurons rien à dire pour les rassurer. Comment convaincrons-nous les parents du jeune étudiant en bouffée délirante qu’il faut faire admettre leur enfant dans de tels hôpitaux ? Comme au temps de l’asile qui faisait peur, on médiatise déjà à outrance les accidents (qui ne disparaîtront jamais !), et les journalistes s’empressent de nous montrer dans des urgences-vitrines comment le fou est maitrisé attaché et sédaté.

La stigmatisation par Sarkozy des hospitalisés d’office est caricaturale, quand on sait que souvent l’arrivée en HO ou en HDT ne tient qu’aux circonstances. Or le patient en HO sera stigmatisé et mis au ban. Toute HO sera désormais pris en compte comme une HO judiciaire. Plus question d’envisager comme par le passé la sortie d’essai de ces patients en Hospitalisation d’office pour "favoriser leur réinsertion". Il faut trois jours aujourd’hui pour organiser la sortie d’essai ou la sortie définitive d’un patient en HO. Il faudra dorénavant le passage du "psychiatre non traitant", et l’engagement des cadres de santé, qui reflèteront, pour l’un, les craintes de la société, et pour l’autre celles d’équipes de plus en plus frileuses et défensives... Combien imposera-t-on d’infirmiers et de policiers en civils pour organiser la visite à domicile d’un patient en sortie d’essai d’HO ? Au moment de la sortie, il se nouait dans la poignée de main entre le psychiatre et le patient un contrat à deux, un engagement, une promesse mutuelle.

Le résultat va être un formidable retour en arrière, en toute bonne conscience, pour le plus grand soulagement des journalistes et de l’opinion, pour peu qu’on donne la Légion d’Honneur à quelques psychiatres héroïques et à quelques directeurs d’hôpitaux fidèles serviteurs du régime...

Rappelons nous que Napoléon III avait fait mieux que Louis XIV, et avait enfermé un français sur dix… Où serai-je, combien de temps vais-je pouvoir vivre mes opinions de psychiatre dissident dans des institutions qui débusqueront de plus en plus violemment les esprits rebelles !

L’urgence n’est pas dans des mesures de sécurité qui ne sont que démagogie et poudre aux yeux.

L’urgence, c’est de cesser d’assassiner les deux professions clés de la psychiatrie : il est temps de former un vrai corps de psychiatres publics et d’infirmiers de soins psychiatriques, de repenser leur formation en fonction de la santé publique et des questions de société, et de les former afin de réaliser véritablement le projet trop tôt abandonné de la psychiatrie de secteur.

Quant à aujourd’hui, il n’y a qu’à aller s’enchaîner aux grilles de l’Élysée avec les associations de familles et d’usagers en signe de protestation. Le ferons-nous ?

Frédéric Scheider

Psychiatre, docteur en histoire

Messages

  • Je voulais simplement vous dire ce que j’ai retenu de l’actualité ces 10 derniers jours...
    Les SDF en centres de rétention...Les enfants de 12 ans en prison...Les fous en prison surveillés par des psychiatres-matons...Les mines vont être réouvertes pour les 12 - 50 ans non en prison et non fous et non psychiatres...Les moins de 12 ans vont intégrer des écoles d’enfant-soldats...Puis ce sera la mort obligatoire carte vitale à jour pour les plus de 50 ans...Pour nos cendres , pas de problème la loi prévoit de les emballer , les étiqueter , les traçabiliser.
    Il n’y a plus qu’à s’occuper des foetus...Eradiquer avant la naissance la bêtise , l’intelligence , la folie et la délinquance...Des foetus sans neurone ce sera plus facile de les faire obéir quand ils seront grands...Faudra aussi penser à former les sage-femmes à demander les papiers d’identité dès la naissance...Pas de papier = Prison à vie !!!
    Bon je rigole que puis-je faire d’autre ???