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Histoire, institution, soins

Journée de la Waimh.France La narrativité - 7 Mars 2002 - Paris

vendredi 17 juin 2005, par Michel Balat

Dans mon bestiaire personnel, le mot « narrativité » évoque irrésistiblement par une association cratylienne dont notre inconscient a le secret, le mot « nativité » et par déformation mé(ga ?)lomaniaque, celle que Olivier Messiaen a écrite en 1935, « La nativité du Seigneur ». Pour moi cette suite de neuf méditations pour orgue est une des grandes œuvres musicales du Xxème siècle. Elle narre le récit de la naissance de Jésus, cette belle aventure humaine, glorifiée par les chrétiens au point d’en faire l’histoire d’un nouveau lien, voire d’une nouvelle alliance entre Dieu et les hommes et celle de ses avatars, et dont, soit dit en passant, nous n’avons pas fini de comprendre toutes les subtilités transgénérationnelles qu’elle recèle dans ses archives orales et écrites. La seule constellation représentée par Marie, Joseph, l’archange Gabriel, le Saint-Esprit et Jésus a déjà donné de quoi penser pendant deux millénaires aux plus grands exégètes, et cela pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une autre journée d’étude de la Waimh ! Chacune des neuf pièces de la Suite de Messiaen est empreinte d’une atmosphère particulière en rapport avec les temps forts de la Nativité de Jésus, « La vierge et l’enfant », « Les bergers », « Le verbe », « Les anges », « Les mages »... Gisèle Brelet nous dit que « Messiaen voudrait y rapprocher l’auditeur de l’éternité dans l’espace, ou infini, par des modes réalisant mélodiquement et harmoniquement une sorte d’ubiquité tonale et par des rythmes spéciaux, hors de toute mesure, contribuant puissamment à éloigner le temporel ...Ce qu’il y a de plus neuf et de plus audacieux chez ce musicien, c’est son langage rythmique, issu du sentiment profond de l’essence temporelle de toute vie ». D’ailleurs, un autre auteur, Henri Maldiney, extrêmement important à mes yeux sur ce sujet, a établi que le rythme est au principe même de toute vie. Il a également parlé avec talent de ce que « Erving Straus a nommé le « moment pathique », cette dimension intérieure du sentir, selon laquelle nous communiquons avec les données (de la matière) hylétiques, avant toute référence et en dehors de toute référence à l’objet perçu. Cette logique est une esthétique intégralement exprimable en termes d’espace et de temps, aux niveaux du « se sentir » et du « se mouvoir ».