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JEANNINE QUILLET : UNIVERSITAS POPULI ET REPRESENTATION AU XIV° SIÈCLE
dimanche 15 avril 2007, par
UNIVERSITAS POPULI ET REPRESENTATION AU XIV° SIÈCLE
Par JEANNINE QUILLET
L’idée de représentation n’est pas, au XIVe siècle, une idée neuve : c’est une figure de la rhétorique littéraire, un recours de l’argumentation théologique ; c’est aussi un principe juridique qui émerge peu à peu du corps de doctrines nées de la réflexion sur les collectivités médiévales qui prennent conscience d’elles-mêmes comme personnes moraIes et juridiques, de leur volonté d’exister sur le plan législatif, administratif et judiciaire. Elle sera, au XIVe siècle, érigée en principe d’organisation politique de ces collectivités.
Avant l’introduction de la Politique d’Aristote, juristes et canonistes avaient préparé le terrain : les penseurs avaient à leur disposition tout un ensemble de textes, commentaires et gloses du droit romain et du Décret, dans lequel ils allaient puiser largement.
Comment s’énonce, sur le plan juridique, le principe de la représentation ? Il faut distinguer : s’il s’agit de la représentation symbole, au sens où l’on dit que l’arche de Noé « représente » l’Eglise ou le corps mystique du Christ , nous nous en éloignons ; s’il s’agit d’un second sens, précis et technique, celui de représentation-délégation alors il s’insère bien dans le processus d’expression de la volonté collective des communautés médiévales. Lorsque quelqu’un - une ou plusieurs personnes - « représente » une collectivité, il agit aux lieu et place de celui ou de ceux qui lui ont donné mandat de le faire et est censé exprimer par son action la volonté et la pensée de celui ou de ceux qui l’en ont chargé. Le choix des moyens peut différer, mais c’est là affaire de techniques juridiques diverses, en nombre restreint du reste ; mais le principe demeure. Un tel principe, les médiévaux l’ont trouvé exprimé dans le droit romain : il est limité, dans la pratique, à des situations particulières. La représentation suppose chez le représenté ou l’ensemble des représentés une incapacité juridique à accomplir eux mêmes les actes dont ils confient le soin à un autre ou à d’autres. Tel n’était pas le cas des communautés médiévales, de plus en plus jalouses de leurs droits et prérogatives ; il est caractéristique de constater qu’elles surent, ou du moins les juristes qui s’attelèrent à cette importante tâche, mettre à profit une législation allant en général à l’encontre des impulsions dont elles étaient porteuses et qu’elles voulaient inscrire dans le répertoire de leurs droits acquis.Usant ainsi de textes de la législation romaine réservés à la situation particulière qu’est l’incapacité juridique, elles affirment au contraire leur volonté propre ; elles se font reconnaître de l’autorité compétente, laïque ou ecclésiastique, le droit à l’existence, faisant de larges brèches dans les « exceptions » prévues par le droit romain à l’interdiction générale, pour un groupe quelconque, à se constituer en association sans l’autorisation - rarement accordée - du pouvoir souverain. Mais l’usage de la « Lex Regia » est ici bien révélateur : cette loi bien connue des glossateurs affirmait sans ambiguïté la liberté absolue du souverain à l’égard des lois et exaltait sa puissance, « majestas », justifiée par son origine : c’est le peuple (populus romanus) qui transfère son autorité première et légitime dans la personne du prince et la lui délègue. Les médiévaux ne manqueront pas d’insister sur l’origine de ce pouvoir et le processus par lequel il est accordé ; sur son résultat aussi, à l’occasion.