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L’accueil

mardi 18 septembre 2007, par Michel Balat

L’ACCUEIL :

Petite étude sémantique du mot « accueil » et petite réflexion et rappel théorique sur le rôle de l’accueil en Psychothérapie Institutionnelle...

Pour commencer, pour nous mettre dans « l’ambiance » de l’accueil et nous permettre d’y voir un peu plus clair, rien de tel que de s’imprégner de l’origine sémantique des mots liés à cette notion bien plus complexe qu’elle n’y paraît.

ACCUEIL-ACCUEILLIR : du latin « accolligere » qui signifie « RASSEMBLER ». Selon la définition de notre dictionnaire Larousse national : l’accueil est défini comme la RECEPTION faite à quelqu’un. Accueillir c’est RECEVOIR bien ou mal. C’est aussi apprendre à ACCEPTER. Prendre bien ou mal ce que l’on dit ou que l’on annonce. Avant le XIIIème siècle il signifiait protéger, réunir, associer et aider.

Il est toujours intéressant également de s’attarder sur les synonymes liés à la fonction d’accueillir : admettre-annoncer-agréer ; et ceux liés à la personne accueillante que l’on désigne comme affable, avenante, engageante.

Nous ne manquerons pas de remarquer l’importance accordée par la signification sémantique aux notions de RECEPTION, ENGAGEMENT, de RASSEMBLEMENT et d’ACCEPTATION.

Maintenant essayons simplement de décomposer le mot accueillir : a/cueillir. « Cueillir »...tel le fruit que l’on cueille de l’arbre. En psychiatrie le fait d’accueillir pourrait consister à cueillir le fruit mûr à point, celui qui est le plus difficilement accessible, le meilleur, avant qu’il ne tombe et pourrisse au pied de l’arbre. D’ailleurs cueillir vient du latin « colligere » qui signifie également rassembler.

Mais que s’agit-il de cueillir, de recevoir, d’engager, de rassembler, d’accepter en psychiatrie, en psychothérapie institutionnelle ?

Nous allons voir que nous retrouvons ces significations sémantiques...
En psychothérapie institutionnelle, l’accueil a une fonction prépondérante, elle permet de favoriser « LA RENCONTRE », un autre concept clé de la psychothérapie institutionnelle. J’emploie le verbe « favoriser » car l’accueil ne signifie pas qu’il y ait toujours rencontre. La rencontre est un phénomène rare, inattendu, imprévisible : elle est « tissée de hasard et de réel » selon LACAN et l’accueil est certainement une des dispositions préalables à la rencontre.
La rencontre : autrement dit « accueillir » le transfert. On pourrait même dire réceptionner, cueillir le transfert. Lorsqu’il y a rencontre, chacun est marqué par les effets de l’autre, il y a inscription et chacun n’est plus tout à fait comme avant.
« Celui qui pourra être le réceptacle en sera pour un temps le porteur : sémaphore, porteur des signes de l’autre dans son appareil psychique. La force qui porte les signes du patient vers le soignant est celle du transfert »(1)

La démarche on l’a bien compris ne consiste pas en l’évitement, le déni de la relation pour se protéger de l’influence possible, difficilement maîtrisable de ce qui engage une telle relation, mais bien en l’acceptation et même de la recherche de ce transfert que l’on va considérer comme un outil à disposition et qui va faire l’objet d’analyse lors de réunions :


(1), DELION pierre. Accueillir la personne psychotique. A la mémoire d’Eddi Cheloul site internet http: //delorycd.club.fr/auteurs/DELION
actualisation de la fonction dite « métaphorique », qui permet de travailler le sens des signes du patient autiste ou psychotique par « le repérage patient des invariants structuraux qu’il dépose à son insu tout au long de sa trajectoire transférentielle »(2)

Pour accéder à l’interprétation de ce transfert, il faut donc que le soignant soit un minimum engageant, avenant dans la relation, admettre l’utilité de cette fonction de transfert et accepter de s’en servir, c’est à dire accepter la rencontre et accepter de parler de soi, de ce que l’on ressent, « l’effet du miroir » (« analyse du contre-transfert institutionnel » selon TOSQUELLES, par l’intermédiaire de LA PSYCHANALYSE pour traiter L’ALIENATION DU SUJET dit PSYCHOPATHOLOGIQUE ). Nous constatons alors que l’évocation de l’accueil fait appel à notre propre inconscient. Accueillir l’autre revient alors à s’accueillir soi. Voilà pourquoi l’accueil peut être source de difficulté.

Mais attention, celui qui accueille n’est pas forcément celui que l’on croit. Pour accueillir, il faut être deux, autrement dit c’est 50/50 car l’accueil est un chemin où deux personnes vont à la rencontre l’un de l’autre. Le patient doit aussi en retour ou en premier lieu, accepter également la rencontre de l’autre.
« Dans l’accueil, il est question de l’espace, mais aussi de la temporalité et c’est ce mouvement qui en résulte avec les effets d’une certaine tension pulsionnelle. Accueillir l’autre, c’est ouvrir et s’ouvrir à l’autre, à la différence, c’est se positionner dans cette attitude psychique qui consiste à faire le geste qui invite l’autre à se mettre en mouvement vers nous. Jeu réciproque de l’adresse, il en résulte ce mouvement, ces gestes du corps comme la main tendue, ses paroles de bienvenue, le sens qui surgit de cette rencontre lorsqu’elle a lieu. Il y a en quelques sortes toute une kinésie comme le souligne OURY dans l’accueil »(3).

Mais ceci est plus difficile pour la personne atteint de troubles psychotiques. Notre structuration névrotique nous permet d’être « psychiquement équipés » pour accueillir l’autre. Il en est autrement pour la personne psychotique pour qui le rapport au monde est bien différent du nôtre.

A côté de ces fonctions de rencontre, de rassemblement, d’acceptation, il ne faut pas oublier dans l’accueil la fonction de réception des angoisses des personnes atteintes de troubles psychotiques, sorte de fonction de par-excitation que remplit le soignant : c’est « la cueillette du fruit avant qu’il ne tombe et ne pourrisse au pied de l’arbre » autrement dit, avant l’envahissement trop important du patient par l’angoisse, qui ne peut se manifester comme seul langage à disposition par de l’agitation, de l’auto-agressivité ou de la violence, et dont on connait l’effet « contaminant » sur les autres patients.
Ces angoisses sont dues à la pathologie, mais aussi à ce qu’OURY appelle « LA PATHOPLASTIE » : l’influence des entours sur le milieu, et « L’ALIENATION SOCIALE » : organisation interne, tensions hiérarchiques, conflits statutaires qui vont apparaître au fil du temps dans toute institution et dont on connait les effets toxiques si l’on n’en tient pas compte et si on ne les traite pas dans l’ANALYSE INSTITUTIONNELLE.
Cet accueil, s’il est suffisamment contenant, « suffisamment bon », au sens de la préoccupation maternelle primaire de WINNICOTT, c’est à dire dans une identification projective comme la mère vers le nourrisson, va pouvoir permettre l’atténuation voir la libération de ces angoisses par l’échange verbal, l’échange de regards, l’ambiance qui en résulte.
« Si la vie quotidienne peut être terrifiante pour les enfants et les adultes psychotiques et leur famille, ceux-ci vont pouvoir se saisir de la relation transférentielle complexe qui leur sera proposée par les soignants pour y déposer une forme, un contenu, un sens en déshérence à ceux qui y prêtent attention. »(4)


(2),(4), DELION pierre. Accueillir la personne psychotique. A la mémoire d’Eddi Cheloul. http://delorycd.club.fr/auteurs/DELION
(3) CRETE Pascal. Intervention sur le concept d’accueil.Journée du 13 avril 2006 du DU Psychothérapies Institutionnelles.
C’est ainsi que la succession des accueils, lors de toute la durée d’une prise en charge, va favoriser l’ancrage de LA FONCTION PHORIQUE : « tout ce qui est nécessaire pour définir une scène sur laquelle le patient va pouvoir jouer sa problématique, souvent à son insu dans un premier temps »(5), que l’on peut également résumer par l’engagement d’une équipe à porter et accompagner un patient, car la personne psychotique est dans un tel état de dépendance qu’elle a besoin longtemps, voir toujours besoin de portage.

Alexandra BERNARD
( Journées de formation de l’association culturelle 59I05, atelier du DU)