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L’autisme, grande cause nationale ? Par Collectif des 39
10 janvier 2012
mardi 17 janvier 2012, par
L’autisme, grande cause nationale ? 10 janvier 2012 Par Collectif des 39
L’autisme a reçu le label "Grande cause nationale 2012". L’exposition médiatique de ce sujet va s’intensifier, un groupe de travail s’est formé à l’Assemblée Nationale dont les premières rencontres parlementaires débutent jeudi.
Comment ne pas se réjouir de l’intérêt porté à l’autisme face aux insuffisances actuelles de la prise en charge thérapeutique, éducative et pédagogique et des possibilités professionnelles proposée à ces patients (adultes et enfants) ? Cependant, l’aspect polémique et orienté des discours offerts au grand public empêche d’ores et déjà d’être optimiste sur l’issue de ce travail parlementaire.
En effet, on nous donne à entendre :
Ø De fausses évidences :
· "L’autisme est un trouble neurologique".
Faux : si une dimension biologique de l’autisme est une hypothèse forte, les différentes recherches effectuées sur le sujet, tant sur le plan d’une localisation neurologique (cerveau, cervelet, tronc cérébral), que d’une anomalie génétique ou hormonale (ocytocyne), n’ont pas permis d’établir formellement une origine organique à l’autisme. Il s’agit probablement d’une pathologie liée à l’intrication de plusieurs dimensions (organique, psychopathologique, environnementale, histoire de vie).
Mais ceci est un faux débat car une origine organique à l’autisme ne change rien au fait que ces enfants puissent évoluer grâce aux thérapies relationnelles.
· "Le vrai problème est un grand retard diagnostique, qui montre l’insuffisance de formation des pédopsychiatres".
Faux : la raison de l’augmentation du nombre d’enfants autistes dépistés (passant de 1 enfant sur 2000 à 1 sur 150, environ) est l’élargissement des critères d’inclusion dans ce diagnostic de la classification DSM.
En effet, les "troubles envahissants du développement" ou "désordres du spectre autistiques" composent une acception de l’autisme beaucoup plus large que par le passé et conduisent à appeler "autistes" des enfants ou adultes qui précédemment auraient reçu un autre diagnostic (schizophrénie infantile, dysharmonie évolutive…). Ceci aux dépens de la finesse diagnostique et, du coup, de la finesse des prises en charge, moins ajustées à la singularité de chaque patient.
Par ailleurs, cette fausse évidence entraîne une confusion entre "diagnostic" et "prise en charge". Que le diagnostic soit posé tôt ou tard, la vraie question est celle des modalités de suivi des enfants présentant des particularités de développement, qui ne peut être réglée par un protocole préétabli et ce, quel que soit leur diagnostic.
Enfin, le diagnostic d’autisme est souvent posé tardivement parce que la clinique des enfants, de tous les enfants, est fluctuante et réversible, il est donc parfois dangereux voire traumatisant pour un enfant et pour ses parents de poser trop rapidement un diagnostic d’autisme. Il existe également un temps nécessaire aux parents pour accepter la pathologie de leur enfant et ce temps est propre à chacun. Si certains souhaitent un diagnostic le plus précoce possible, d’autres au contraire préfèrent que toutes les autres options diagnostiques soient éliminées précédemment.
· "Les pédopsychiatres français refusent de se mettre à jour de l’évolution des connaissances et persistent à utiliser des classifications vieillottes telle la CFTMEA".
Faux : la plupart des pédopsychiatres français sont plus qu’à jour des scandales accompagnant la création des diagnostics DSM : alliances objectives entre médecins, compagnies pharmaceutiques et financeurs de l’industrie de la santé. Cette classification dite athéorique est au contraire profondément idéologique dans le sens d’une vision mécaniciste de l’être humain et se situe au carrefour d’enjeux financiers importants. Ceci lui ôte toute objectivité et toute scientificité.
Ø Un faux procès fait à la Psychanalyse :
· "La Psychanalyse est inefficace et inadaptée pour les enfants autistes".
Faux : tout d’abord, la « Psychanalyse » n’existe pas. Il y a des psychanalyses, différents courants dans la psychanalyse d’enfants, qui travaillent différemment, comme il y a différents courants à l’intérieur du cognitivisme.
L’objet général de la psychanalyse des enfants autistes est de réduire leurs angoisses, de libérer leurs capacités d’apprentissage, de permettre qu’ils trouvent du plaisir dans les échanges émotionnels et affectifs avec les personnes qui les entourent, de permettre qu’ils gagnent du champ dans les choix de vie les concernant. Il s’agit d’un travail au long cours dont les résultats ne sont pas évaluables avec des critères mécanicistes. Ainsi, les méthodes psychothérapiques sont complémentaires des méthodes éducatives et pédagogiques. L’une ne remplace pas l’autre. Il s’agirait que ces différentes théories et pratiques puissent dialoguer sur le mode de la controverse et non sur celui de la polémique éliminationniste.
Le vrai problème n’est pas celui de la méthode employée (psychanalyse, cognitivisme, pédagogie) mais celui de l’intensivité des suivis au cas par cas. Toute méthode, appliquée de manière intensive et raisonnée (au cas par cas pour chaque enfant) et avec un fort engagement des soignants, éducateurs, pédagogues, aboutit à des progrès chez l’enfant autiste.
· "La psychanalyse culpabilise les parents d’enfants autistes et notamment les mères".
Faux : la culpabilisation des parents est une dérive malheureuse des discours soignants, éducatifs et pédagogiques de manière générale, et ce, de tout temps et de toutes époques.
Certains psychanalystes n’y ont pas échappé et cela est tout à fait affligeant.
La psychanalyse, en elle-même, offre au contraire les outils pour penser cette facilité qui consiste à incriminer les parents comme fautifs. En effet, par le biais des concepts de résistance du ou des thérapeutes, du contre-transfert, de la rivalité imaginaire qui peut surgir entre les équipes soignantes, éducatives, pédagogiques et les parents, la psychanalyse a construit les outils qui permettent de repérer, d’analyser et de dépasser les mouvements qui amènent un soignant, un éducateur ou un pédagogue à accuser massivement les parents d’un enfant en difficulté.
Ø De fausses nouveautés :
"Avec des rééducations adaptées, un enfant autiste peut progresser et gagner en autonomie, mener une vie professionnelle et amoureuse épanouissante".
Oui, et la même phrase est applicable "avec des soins adaptés".
Ø Un faux scandale et un faux espoir :
·"Le scandale est le manque d’intégration en école ordinaire des enfants autistes alors que, lorsque celle-ci est possible, ces enfants effectuent des progrès spectaculaires".
Faux : l’intégration scolaire en école ordinaire des enfants autistes est un formidable tremplin pour certains, une simple aide pour d’autres, une corvée douloureuse pour d’autres encore et une souffrance intolérable pour d’autres enfin. Et ce, quels que soient les aménagements effectués.
L’intégration scolaire fait partie des techniques pédagogiques proposées aux enfants autistes, elle ne doit pas remplacer les techniques thérapeutiques ni les techniques éducatives. Ce n’est pas l’un ou l’autre mais les trois ensemble, au cas par cas pour chaque enfant.
Le triomphalisme des discours présentant l’intégration scolaire comme seule méthode faisant progresser l’enfant risque de provoquer de faux espoirs et, en conséquence, de lourdes déceptions pour les parents d’enfants qui ne peuvent supporter l’école et devront rester à domicile, sans place dans un établissement spécialisé.
Ø Un vrai scandale : la pénurie de places en établissements spécialisés et adaptés, en France, pour les enfants et les adultes en difficultés.
Il est scandaleux de devoir envoyer son enfant en Belgique car aucun établissement français adapté ne peut l’accueillir faute de place.
Il est également scandaleux de voir certains établissements inadaptés à la prise en charge d’enfants autistes (IME, ITEP) être mis en avant pour palier à l’insuffisance du service public ou à l’absence d’hôpitaux de jour dignes de ce nom. Ces établissements se voient souvent obligés de refuser les enfants les plus en difficulté, dans l’incapacité de leur offrir un accueil adéquat.
Cela produit une ségrégation honteuse et c’est à cela que devraient s’atteler les pouvoirs publics !
Au total : quel sera l’effet de la mise en place du groupe parlementaire de travail sur l’autisme ? Au vu de la forte partialité des discours tenus, gageons que les conclusions aboutiront à la mise à l’écart des théories et pratiques psychanalytiques (pour des raisons idéologiques) et à une loi renforçant l’obligation scolaire des enfants en difficulté sans augmenter le nombre de places en établissements spécialisés (plus économique et plus démagogique à la veille des élections).
C’est alors que nous, patients, parents, soignants, nous aurons beaucoup perdu. Espérons que cette année sera aussi celle de la pensée et de la controverse, pas seulement celle du populisme et de la réduction des dépenses de santé.
www.collectifpsychiatrie.fr
Journée d’action des 39, le samedi 17 mars 2012 à Montreuil, "La Parole Errante à la Maison de l’Arbre", 9 rue François Debergue, 93100 – Montreuil-sous-Bois, Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9)
Inscriptions : http://www.collectifpsychiatrie.fr/.../index.php ?petition=9
Messages
1. L’autisme, grande cause nationale ? Par Collectif des 39, 19 janvier 2012, 08:31, par Pere Castor
Je cite l’état des connaissances de la HAS : "il existe un consensus de plus en plus large sur la nature neurodéveloppementale des TED". Clairement le collectif des 39 se place en dehors de ce consensus scientifique actuel. Il lui appartient donc de démontrer les hypothèses psychopathologiques qu’il met en avant. A ce jour, depuis Kanner qui a lui-même renoncé à cette hypothèse, personne n’y est parvenu.
Je constate qu’ils en sont encore à parler de dysharmonie et de schizophrénie infantile, alors même que les recommandations de la HAS déconseillent fortement ce type de dénominations "en raison de la confusion et des contresens qu’ils entrainent entre psychose et TED". Après ça comment peuvent-ils encore parler de "finesse diagnostic" et de "prise en charge individualisée", quand ils revendiquent de tels contresens à l’encontre des connaissances actuelles ?
La suite du texte démontre clairement, en effet, la volonté délibérée des 39 de refuser vigoureusement de se mettre à jour de leurs connaissances sur l’autisme et les autres TED, ainsi que de mettre à niveau leurs prises en charge. On y voit bien plus clairement une volonté de préserver leurs idées et leurs façons de faire, sans aucunement se remettre en question, malgré l’état des lieux calamiteux de la prise en charge de l’autisme en France.
Ne venez pas non plus dire qu’il ne s’agit que d’un problème de moyens. Vous savez très bien qu’avec une semaine d’hopital de jour, on peut financer un mois de prise en charge ABA ou TEACCH intensif.
1. L’autisme, grande cause nationale ? Par Collectif des 39, 20 janvier 2012, 18:15, par mjanssens
Peut-être est-il un peu risqué d’idéaliser la situation aux Etats-Unis. Une série de 4 articles dans le journal Los angeles Times de novembre-décembre 2011 est en tout cas plus critique et il est intéressant que les parents critiques et les autorités se renseignent bien, pour ne pas être trop surpris par la réalité :
"An autism treatment called applied behavior analysis, or ABA, has wide support and has grown into a profitable business. It has its limits, though, and there are gaps (= des manques) in the science."
"As the diagnosis of autism has exploded, so has demand for ABA, the most commonly recommended treatment. It has become a thriving business, worth more than $200 million a year in California alone.
Statewide, at least 75 firms, some with long waiting lists, offer ABA in a variety of styles. The cost — often $50,000 a year or more for a single child — has been covered primarily by taxpayers up to now."
Dans un de ces articles il est décrit comment surtout les gens riches ont accès à ces traitements, que ça devient donc en plus une question sociale et d’exlusion.
in : http://www.latimes.com/news/local/autism/la-me-autism-day-three-html,0,3438178.htmlstory
2. L’autisme, grande cause nationale ? Par Collectif des 39, 25 janvier 2012, 23:49, par jean29
L’article que vous citez (traduction) tend plutôt à établir que les parents ont obtenu un financement par les Etats - et que donc ce financement est assuré par les contribuables jusqu’à présent en Californie. L’Etat veut renvoyer la charge sur les groupes d’assurance, ce qui évidemment comporte un gros risque, puisque plus de 20% de la population n’est pas couverte par les assurances aux USA.
Oui, l’ABA peut être contestée sur le terrain des preuves, sur les enfants les plus réceptifs,sur l’intensivité, la durée etc...