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LE DESERT CROÎT, par Jean-François REY, philosophe

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vendredi 13 avril 2012, par Michel Balat

LE DESERT CROÎT

Défense de la psychiatrie en général et de la psychothérapie institutionnelle en particulier.

Par Jean-François REY, philosophe

Un rapport de la Haute Autorité de Santé qui doit être rendu public le 8 mars prochain conclut à la non pertinence de l’approche psychanalytique et de la psychothérapie institutionnelle. Dans le traitement de l’autisme, certes, et pour commencer. Car, au-delà de l’autisme, c’est l’humanité même de la psychiatrie qui est condamnée. La pratique du « packing », qui subit les cris de haine de la part des associations de parents d’enfants autistes, est répandue aussi dans le traitement de la psychose de l’adulte. Les témoignages de ceux qui auraient été les bénéficiaires ne seront même pas entendus. Le pédopsychiatre Pierre Delion, dont on ne dira jamais assez la gentillesse et l’esprit d’ouverture, est la victime d’une véritable persécution ; cette campagne de haine n’a cessé de gonfler jusqu’à sa convocation devant le Conseil de l’Ordre. Cette douloureuse affaire ne fait qu’augmenter le niveau d’angoisse où nous jette déjà une crise sociale et morale alimentée de toutes parts : si le scientisme gagne à l’aide d’arguments et de pressions non scientifiques, alors le désert croît. Si la psychiatrie n’est plus dans l’homme, on assistera à des pratiques de contention et de répression. Ce triste tableau m’inspire deux lignes de remarques.

La première concerne les faits eux-mêmes. Pour la première fois on voit qu’un procès fait à la psychanalyse, discipline qui ne s’est jamais dérobée à la critique, et dont cette critique même l’a enrichie comme elle a enrichi la pensée et surtout les pratiques en milieu psychiatrique, aujourd’hui contestée par les courants cognitivistes et comportementalistes, débouche non pas sur une controverse scientifique argumentée mais sur une interdiction disciplinaire réclamée par des lobbys. Encore une fois on peut contester la prétention de la psychanalyse à la scientificité, comme l’ont fait au siècle dernier les arguments de Karl Popper (philosophe viennois ami du psychanalyste Alfred Adler), ceux de Georges Politzer ou, plus près de nous ceux de Deleuze. A côté des vociférations d’aujourd’hui, la première vague de l’antipsychiatrie des années 70, qui charriait beaucoup de préjugés et d’analyses sommaires, n’avait pourtant pas la même tonalité de haine et de bêtise. Or cette haine aboutit.

Certes elle est nourrie de la souffrance de parents d’enfants autistes qui ont le sentiment d’avoir été culpabilisés par des discours peu nuancés. Menée à son paroxysme, la haine vise à soustraire l’enfant souffrant à une pratique qui vise pourtant à le soulager. L’autiste n’est pas un malade dit la nouvelle anti psychiatrie. La maladie mentale n’existe pas disait la première antipsychiatrie. De telles affirmations massives résonnent comme un déni de la souffrance et plus encore de l’humanité qui est ou devrait être au cœur de la clinique, si toutefois le mot même de clinique a encore un sens pour les censeurs.

Mais les arguments ont entrainé cette fois ci une judiciarisation et un traitement disciplinaire là où un débat argumenté et scientifique fait défaut. Il convient donc d’informer : il existe de lieux de soin, des praticiens, qui résistent à cette dérive. Ils y résistent d’autant mieux qu’ils savent dénouer l’intrigue du scientisme et du judiciaire bâtie autour de l’autisme, mais dépassant de loin la seule question de l’autisme. C’est pourquoi ma deuxième ligne de remarques sera une défense et illustration d’une psychiatrie née pendant et après la guerre qui visait à supprimer l’enfermement asilaire : soigner l’hôpital avant de soigner les malades. Quand l’hôpital va mieux certains troubles disparaissent. La psychothérapie institutionnelle qu’on dénonce aujourd’hui a une histoire à faire valoir. Je me contenterai d’en rappeler quelques principes simples. L’institution doit faire du sur mesure : ce n’est pas au patient de s’adapter au milieu. Pour cela le concept analytique de « transfert » est précieux. Le transfert d’un patient, schizophrène ou non, sur l’institution, que Jean Oury appelle « transfert dissocié », consiste à organiser la « rencontre » entre le patient et d’autres personnes évoluant dans les mêmes lieux : soignants, personnels de service, autres patients. Le mot même de « rencontre » ( vieux concept stoïcien de TYCHE) est la clé de cette pratique. Pour qu’il y ait rencontre il faut qu’il y ait liberté de circuler. Mais davantage encore il faut que les lieux et les personnes soient suffisamment distincts : distinguer les sujets, distinguer les lieux pour qu’ils deviennent des sites de parole, distinguer les moments contre un temps homogène et vide, distinguer des groupes et des sous-groupes dans un réseau d’activités. En un mot résister à la tyrannie de l’homogène, face lisse du « monde administré » selon la formule d’Adorno.

Une telle pratique de soin de l’esprit humain s’est nourri de l’apport de la psychanalyse, sans exclusive. Mais surtout, hors du débat scientifique dont pourtant on nous prive, il faut dire l’ancrage de ce traitement. « L’homme est en situation dans la psychiatrie comme la psychiatrie est en situation dans l’homme ». Ces mots du philosophe Henri Maldiney ont été illustrés dans des lieux aussi divers que la clinique de Ludwig Binswanger à Zurich ou aujourd’hui en France à la clinique de La borde. Va-t-on assécher l’élément humain dans lequel ces institutions baignent ? L’obsession sécuritaire présentant le patient schizophrène comme un danger, jointe à au recours à la justice, va-t-elle avoir raison de ces pratiques toujours en recherche ? Nous ne pouvons nous y résoudre. Le désert croît et pourtant rien n’est joué.

Messages

  • L’auteur, philosophe, est-il compétent pour juger scientifiquement de l’efficacité de la prise en charge de l’autisme par la psychothérapie institutionnelle ?

    A-t’il seulement envisagé de le faire ?

    • et vous, Père Castor, êtes-vous compétent ? Quelle est votre formation, quelles sont vos connaissances de la psychiatrie institutionelle ? Avez-vous déjà participé à un packing ?

    • Certes, les parents n’ont ès qualité aucune compétence. Cependant, ce sont eux qui assument la responsabilité parentale. À ce titre, ils doivent assumer les conséquences d’absolument tout, y compris des choix des thérapeutes.

      Vous comprendrez qu’à partir de là, ils sont légitimés à revendiquer le droit d’assumer exclusivement les conséquences de leurs propres décisions, et non de celles des thérapeutes. C’est à ce titre que le père Castor a le droit de refuser la psychanalyse, quelle que soit sa formation par ailleurs.

    • J’ai lu l’ouvrage du Pr Delion, suffisamment pour savoir que je n’accepterai jamais ce traitement pour mon enfant. Et vous ? L’infligeriez vous aux vôtres ?

      Vous vous aveuglez vous-mêmes avec votre packing. Comme je l’ai déjà exprimé ici, si je le pratiquais moi-même, les services sociaux me retireraient la garde de mon fils et le confieraient à une famille d’accueil. Mais dès lors que c’est fait par un gentil psychiatre en blouse blanche ça ne choque plus personne. Bien sur, le principal intéressé ne parlant pas, on peut parler à sa place et en dire ce que l’on veut.

      La psychiatrie institutionnelle française ayant 40 ans de retard sur les autres pays, j’ai choisi de mon côté de me documenter et me former aux approches de ces autres pays. Ca me semble plus constructif. D’ailleurs les résultats sont là.

    • Qu’on puisse penser qu’une thérapie soit mauvaise pour son enfant, c’est une évidence. Néanmoins, interdire un soin psychiatrique à tous, c’est un acte totalement inadmissible. Surtout, que ce soin n’est pas par une secte crypto-machin-chose. C’est une équipe soignante avec des diplômes et une expérience qui la pratique depuis des années. Au nom d’une autre théorie, on va interdire le boulot d’une équipe compétente. C’est incroyable ! Jean-François Rey a raison de dénoncer l’idéologie scientifique qui se cache derrière l’interdiction du packing. En tant que philosophe, il est légitime qu’il interroge notre rapport au savoir scientifique. Franchement, je n’aurais jamais imaginé des parents interdire certains protocoles de soin concernant des maladies graves. C’est dingue ! Tout irait bien ! Pas de manipulation, pas d’idéologie scientifique, bon ! Redisons-le encore et encore :Jean-François Rey a raison le désert croît malgré notre soif de connaissances.

    • Qui est aveugle ? Ce qui me choque, c’est que vous réduisez un psychiatre à une blouse blanche et que vous ne reconnaissez ni les diplômes ni les concours du professeur Delion, ni sa formation professionnelle. C’est pas le sourire "gentil" de ce professeur qui fait sa compétence. De plus, la psychothérapie institutionnelle est innovante et prend en compte le délitement du lien social dans notre vie quotidienne. C’est une des formes de traitement thérapeutique qui aura un grand avenir. Je ne dis pas que c’est l’une des seules qui va se développer dans les décennies qui viennent, mais cette thérapie, packing compris, sera fort utile à beaucoup de patients. Maintenant, vous considérez comme un aveugle, les théoriciens et les praticiens qui travaillent sur la visibilité de l’inconscient institutionnel...Vous ne le voyez pas, c’est dommage, ceci pourrait vous aider à négocier une paix avec les autres et peut-être avec vous et vous

    • C’est pourtant l’interdiction de l’ABA qui a court, et cette interdiction ne vous dérange pas depuis 20 ans. Depuis 2006 je demande des soins ABA pour mon enfant et c’est le désert... Et quand je fais appel pour avoir un remboursement pour une formation ABA, je tombe en face de pro-psychanalystes qui me renvoient sur l’hôpital de jour et sa psychodynamique... J’ai du me battre pour avoir 600 euros par mois alors qu’on vous autorise à les avoir à la journée ces 600 euros ! Bilan : c’est psychodynamique ou rien pour ceux qui n’ont pas la chance de se permettre des dépenses de leur poche.... Je trouve que c’est l’hôpital qui se moque de la charité et que vous la jouez à l’envers. Je ne suis pas pour l’interdiction de la psychanalyse (elle est surement utile puisqu’elle existe), je suis pour le remboursement des méthodes comportementales au même titre que la psychodynamique est remboursée depuis tout le temps... Les professionnels de l’ABA doivent se financer leur formation eux mêmes (c’est mon cas car je suis maman ET professionnelle ABA ET J’INSISTE de gauche)aussi alors que les vôtres sont prises en charge.... Il ne faut pas se la jouer à l’envers... Cela fait des années que les comportementalistes subissent la dictature avec les parents d’enfants qui se ruinent pour payez des heures qui seraient gratuites dans vos services. Alors pour résumer, tranchons : non à l’interdiction de la psychodynamique et oui au remboursement du traitement ABA intensif pour ceux qui en font le choix (et partout en france pas seulement dans les grandes villes) et oui au pot pourri de tout pour ceux qui en font le choix aussi.... Et le problème sera réglé ! Etes vous d’accord sur ce consensus ? Donc aidez les parents à obtenir ce qU’ILS VEULENT TOUT SIMPLEMENT pour leur bonheur et leur vie de tous les jours : NOUS VOULONS LA LIBERTÉ ET apparemment monsieurs les psychanalystes vous avez la clefs de cette porte derrière laquelle se trouve NOTRE liberté (qui semble différente de la votre ça coule de source) : ouvrez cette porte s’il vous plait, ne nous obligez pas à aller là où ne nous voulons pas aller... Arrêtez de décider à quoi doit ressembler notre bonheur (l’éducation de nos enfants et le projet de vie que nous construisons avec et pour eux !), car la réalité c’est chacun sa vérité, acceptez tout simplement que certains ne partage pas votre point de vue... Et aidez nous à stopper cette dictature qui nous empêche d’avoir accès à d’autres soins que ceux que vous proposez... Car cela crée des souffrances pire que l’autisme en lui même et une énergie mise dans un combat qui ne devrait même pas exister.... Pour vos guerre de chapelle idéologiques les parents se retrouvent coincés, on s’en fou de vos "gueguerres" entre vous les spécialistes et des idéologies qui vont derrière : Moi je veux de l’ABA intensif comme ça existe dans d’autres pays, pourquoi ne pas nous laisser essayer ? Et soyez certains que je suis une maman assez vigilante pour ne pas mettre mon enfant en danger et une professionnelle assez respectueuse pour ne pas "dresser" comme vous dites les enfants que j’accompagne au quotidien dans mon métier de thérapeute ABA ! ABA est un outil, je suis un être humain et j’ai un profond respect pour les êtres et j’éduque les enfants avec beaucoup de sensibilité et d’empathie.... Oui monsieurs les psychanalystes, les comportementalistes sont des êtres humains qui ont du coeur, tout comme vous, arrêtez de nous faire passer pour les maîtres du dressage.
      Aussi je tiens tout de même à vous remercier (on ne peux que vous en féliciter car c’est le rare lieu sur internet normalement encore espace de liberté) d’ouvrir ce dialogue entre nous (comportementalistes/psychanalystes) car c’est le seul site qui permette ce libre échange et je vous en remercie car il pourrait être le seul lieu de vraies discussions. Donc encore merci pour ce libre débat que vous êtes il me semble le seul à ouvrir en toute liberté pour les uns et les autres et d’oser publier vos contradicteurs dont je fais partie....
      Ladodotoile, maman d’un enfant autiste asperger et professionnelle ABA

    • Depuis un certain temps, trop long déjà, nous assistons à un retour à l’ordre, à la sécurité, à l’autorité, tant en famille qu’au travail ou à l’école. Les courants béhavioristes et cognitivistes encouragent cette démarche. Je suis enseignante spécialisée en IME, j’accueille des enfants en souffrance psychique (psychotiques ; autistes...) et je ne suis pas aveugle, j’essaie, (et c’est ce que nous essayons tous de faire)d’aller chercher des éléments théoriques qui m’aident (nous aident) à construire un cadre pédagogique contenant afin que les apprentissages puissent se frayer un chemin au milieu de cette souffrance. J’essaie d’offrir aux enfants un environnement fiable où apprendre en interaction éducative entre pairs ne représente pas un danger. Ainsi, au sein de ma classe je fais cohabiter Eric Schopler (TEACCH) et Donald W. Winnicott (Médecin, pédiatre et Psychanalyste). Cette articulation de ces deux approches théoriques permet de stimuler pour agir en présentant "l’objet" (donc les apprentissages) au bon moment. Cela permet aux enfants de se représenter "l’objet" (d’en avoir une représentation mentale, donc là on est dans un processus cognitif). Donner des repères visuels (TEACCH), mettre en place des rituels, rendre prévisible ce qui peut l’être afin d’améliorer la mise en contact avec une réalité extérieure simplifiée, répétitive, qui permet au "moi" de trouver des repères simples, stables, nécessaires pour mener à bien son travail d’intégration dans le temps et dans l’espace. Les repères visuels permettent de représenter un environnement suffisamment bon dont l’importance est vitale pour la santé psychique de l’enfant, cela lui permettra ensuite d’envisager l’imprévu et de le vivre comme moins dangereux. Alors, Mr Père Castor, pensez-vous que je sois malveillante, maltraitante ou que sais-je encore parce que j’utilise le "holding, handling and object presenting" de Winnicott en lui faisant donner la main à Eric Schoppler ?

      Sont invités aussi dans ma classe,de grands pédagogues dont les méthodes et les apports théoriques ne sont plus à prouver,comme Maria Montessori, Celestin Freinet, Philippe Meirieu, entre autre. Par contre, je n’ai pas invité Pavlov !!! En fait, sont invités dans ma classe tous ceux qui pensent qu’un "élève" (je vous rappelle que je suis enseignante et que je tiens à le rester !)est avant tout un sujet, avec un vécu et un ressenti. Pour qu’un enfant soit sujet, le pédagogue "doit garantir un espace à l’abri du jugement immédiat et de la pression évaluative" (Philippe Meirieu). Un sujet,vous savez Mr Père Castor, c’est celui qui va "s’autoriser un jour à sortir de la répétition et de la reproduction." (Philippe Meirieu)Mais aussi, mais c’est aussi celui qui va "s’autoriser à être différent et à ne pas oser prendre les risques pour assumer sa différence"(toujours Philippe Meirieu) parce qu’un regard sociétal ne le lui autorise pas, parce que la société d’aujourd’hui demande à ceux qui sont différents de s’adapter à elle, alors qu’il me semble que c’est à elle de s’adapter à eux (ça c’est moi, ce n’est plus Philippe Meirieu !!!). La psychanalyse a toujours autorisé le sujet à être différent, les comportementalistes, non !! Alors l’humanisme et la tolérance sont-elles des valeurs devenues caduques ? On peut penser ce que l’on veut du packing, être d’accord ou ne pas être d’accord, on est en démocratie, cependant le traitement psychanalytique de l’autisme ne se résume pas au packing (que je défend bien sur, Pierre Delion ne mérite pas cet acharnement !!)remettre en cause toute la psychanalyse, vouloir l’interdire jusque dans les formations universitaires relève d’un non sens. L’articulation des recherches en neuroscience avec les apports de la psychanalyse me paraît être un débat intéressant. De nombreux psychanalystes se penchent sur la question, et pour votre gouverne, Mr Père Castor, Mr Pierre Delion fait partie de ces psychanalystes ouverts aux autres approches !!!
      Un dernier mot, pensez-vous que le "cadre pédagogique contenant" que j’utilise pour faire apprendre à lire, écrire et compter (et ça marche !!!) est à interdire aussi ?

    • Le problème des autistes n’est pas le délitement du lien social dans notre vie quotidienne et si la psychothérapie institutionnelle était en avance comme vous le prétendez elle aurait fait école ailleurs. Or tous les autres pays du monde l’abandonnent dans le traitement de l’autisme et vous le savez très bien - parce qu’elle ne marche pas, tout simplement. Ce qui remet en cause la "compétence" de beaucoup de monde, je le sais, c’est dur à accepter.

    • Pour moi, la psychothérapie institutionnelle a de l’avenir. Aux Etats-Unis, il faut savoir que Reagan, par pure démagogie, a « libéré » les hôpitaux psychiatriques. Autrement dit, il a fermé tous les programmes concernant les soins psychiatriques au profit du tout sécuritaire. Ainsi, un grand nombre de malades mentaux se sont retrouvés à la rue et se sont clochardisés.

      Quand je suis dans la baie de San Francisco, beaucoup de mes amis constatent que ces derniers errent dans la région. Je l’ai vu avec mes propres yeux aussi. J’ai rencontré la dame au trente chats sur Powel street, le superman de Berkeley, le danseur hystérique défoncé au crack près du café Coquelet à Rockridge, Bushman dans le Golden Gate park. Heureusement, des associations se battent pour aider à la réinsertion de ces êtres en déshérence ( c’est l’expression de votre cher et tendre ami Delion au gentil sourire et à la blouse blanche) et ces travailleurs sociaux (ça existe ailleurs que dans notre pays freudo-marxiste) prennent contacts avec les médecins, les instituts de formation et contactent leur famille. C’est de la psychothérapie institutionnelle qu’ils font mais il ne faut pas le dire. C. Heureusement, il y a aussi le summer camp qui permet d’intégrer beaucoup d’enfants handicapés et de soulager les parents. Sans label, ils font ce qu’ils peuvent de manière très empirique et très pragmatique. E. Pichon-Rivière, psychanalyste argentin, il est pas français celui-là non plus, nous l’avait dit, le patient doit être pris selon trois facteurs : l’individuel, le familial et le sociétal. Toute thérapie efficace va droit au mur ( le vrai pas le film) si elle n’intègre pas ces trois facteurs.

      Sur le lien psychique et l’autiste, je vais évoquer encore ’E. Pichon-Rivière. Il nous dit ceci :

      « Ce qu’il y a de plus primitif et de plus caractéristique chez l’être humain, c’est son besoin impérieux d’être en communication permanente avec les autres. Nous pourrions dire qu’il va jusqu’à inventer les rêves pour pouvoir communiquer pendant la nuit, pour couvrir sa nuit et éviter ainsi d’avoir le sentiment d’être hors communication. Il a besoin de créer des personnages pour pouvoir communiquer et vivre ses drames durant la nuit d’une façon plus ou moins contrôlée et administrée par lui. Il n’y a que dans les cauchemars que cela échouerait . »’( . Pichon-Rivière, E., Théorie du lien, Toulouse, Érès, 2004, p. 88.)

      Ainsi, le rêve est la preuve que tout être humain a un besoin impérieux « d’être en communication permanente. » Or, relisez le livre de Delion sur le packing, bien que ses lecteurs assistent sur la fonction contenante de ce soin, il ne faut pas oublier la mise en scène du rêve (Resnik) qui se joue dans cette thérapie. L’enfant psychotique ou autiste n’est pas tout seul. Il est entouré de personnes avec lesquelles il communique corporellement et verbalement.

      Le packing est une théâtralisation d’une communication primaire entre l’équipe soignante et un enfant en souffrance. C’est assez magique de voir ses échanges.

      L’equipe et l’enfant parlent des sensations du corps, des fantasmes qui traversent cet espace particulier qui est le packing. C’est un lieu de rêverie et de ressourcement.

      L’équipe soignante transforme des angoisses de morcellement en mots réconfortants et caressants comme les lingettes se réchauffant sur le corps de l’enfant. C’est l’alchimie du verbe dirait Rimbaud, Bion dirait que les éléments béta sont transformés en élément alpha, moi je préfère l’aspect alchimique du packing qui transforme le plomb en or.

      C’est la création de reliaisons primaires comme dans le rêve. Alors, vous pouvez le voir comme un cauchemar, je vois le packing comme une des voies royales de communication psychique.

  • Merci pour cet article. Il fait apparaitre un débat qui anime en interne la psychiatrie hospitalière depuis qu’elle existe. Quand j’étais interne, on devait changer de système de représentation en changeant de pavillon…et de patron..

    La question de la psychanalyse dans le traitement des troubles autistiques commence à émerger. C’est un débat salutaire. Depuis une bonne quinzaine d’années la plupart des professionnels qui s’occupent de ces troubles savent que la psychanalyse a « perdu la bataille de l’autisme ». Cela signifie simplement que la psychopathologie analytique UNIQUE de l’autisme ne tient pas en matière thérapeutique. Cela ne signifiant pas qu’elle ne contient pas sa part d’explication causale. Il existe certaines formes dites psychogènes où la relation mère-enfant est en cause et d’autres formes qui sont très neurologiques.

    Aujourd’hui le problème est qu’une partie assez importante (ça dépend des régions) des praticiens (psychiatre, psychologue, psychanalystes, éducateurs spécialisés etc ) n’a pas pu et/ou voulu et/ou su INTEGRER les avancées scientifiques et les nouvelles avancées thérapeutiques.C’est souvent la combinaison concomitentes ou successives d’interventions qui amène des progrès. C’est toute la spécificité du métier de psychiatre que de coordonner intelligemment et en accord avec les données scientifiques toute ces interventions utiles. A côté de ça beaucoup d’autres praticiens ont pu (re)mettre à sa place la psychanalyse en conservant ses précieux concepts (souvent opérants) ET en les reliant à d’autres approches. Hélas la « belle psychanalyse » s’est trop souvent crue propriétaire d’une rente de situation, celle de la défense d’une éthique humaniste de la personne. Incontestablement, d’immenses figures de la psychanalyse ont contribué à l’humanisation des soins ET aussi beaucoup qui ne l’étaient pas. On peut aussi avoir une éthique sans être psychanalyste. J’oserai même dire qu’on peut être cognitivo comportementaliste est avoir une éthique respectable. On peut être simplement psychiatre et humaniste. Je pense qu’il faut parler aux familles, dire ce que l’on fait et pourquoi. Ça soulage et ça déculpabilise.

    C’est le refus obstiné d’ouverture qui pose question. L’autre mauvais point c’est la nécessité de l’évaluation. Hélas encore, la question a souvent été esquivée.