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Le corps retrouvé, par Pierre Delion

lundi 8 juin 2009, par Michel Balat

LE CORPS RETROUVÉ. FRANCHIR LE TABOU DU CORPS EN PSYCHIATRIE

Rapport introductif journées de la Société de l’Info psy Lille 2008

Pierre Delion

La psychiatrie est passionnante. Et si les patients qu’elle tente de soigner y sont souvent pour quelque chose, c’est à une condition me semble-t-il, celle de la prise en compte du transfert, c’est-à-dire de ce phénomène qui actualise la vie infantile dans la relation de confiance avec un autre, et suscite en nous cette passion contre-transférentielle en retour. Quoi qu’on en dise, la psychiatrie a ses singularités, et particulièrement celle de comprendre et traiter les passions ; et si je revendique haut et fort le fait qu’elle appartient à la grande famille de la médecine, cela ne m’empêche pas de la considérer comme une de ses membres présentant quelques traits particuliers à prendre en considération si l’on veut que, dans cette famille, chacun puisse s’exprimer selon son désir et ses possibilités, mais sans aliéner celui et celles des autres. Depuis quelques lustres, j’ai la nette impression que sous prétexte de faire absolument partie de la famille, la psychiatrie devrait exactement faire comme les autres, et finalement y passer inaperçue, de façon à ce que lors des mariages et des enterrements, un vieil oncle un peu éméché ou une belle-sœur acariâtre ne vienne pas troubler l’harmonie de la réunion par des remarques intempestives et humiliantes. J’ai un avis radicalement différent : la psychiatrie est une branche de la médecine,— Tosquelles disait même souvent qu’en fait c’est la médecine qui est une branche de la psychiatrie —, mais elle a des spécificités qui enrichissent très notablement la médecine en général, et plutôt que d’en avoir honte ou peur, il s’agit de s’appuyer sur elles pour inventer ou plutôt réinventer une médecine plus humaine. Quand Schotte fonde l’anthropopsychiatrie, c’est d’un tel projet qu’il rêve, celui d’un corps retrouvé dans une complexité biosociopsychologique. Et dans cette perspective, le corps est à la fois le lien entre la médecine et la psychiatrie, ou plus justement entre le patient accueilli par un médecin et celui accueilli par un psychiatre. Mais à la condition que ce corps ne soit pas scindé de l’esprit qui l’habite dans une visée objectivante, plutôt pensé comme entité corporopsychique subjectale. Quand un chirurgien opère, on ne peut pas lui demander de pratiquer l’empathie métaphorisante, ce n’est sûrement pas le bon moment. Quand un biologiste ou un radiologue, voire un médecin généraliste est, au cours de son exercice, en train de réfléchir et de synthétiser les éléments diagnostiques et thérapeutiques à propos d’un patient, il n’en est pas forcément au stade de l’information objective de ce patient ou à celui de la compassion pour le pronostic fâcheux qu’il va lui annoncer. Mais dans tous ces cas, sous le prétexte qu’à certains moments cruciaux de notre exercice médical, il nous revient de nous extraire de la relation pour telle ou telle raison, le style « sciences dures » de ces pas de côté temporaires ne doit pas venir s’imposer comme le seul modèle dit sérieux de la relation médicale. A fortiori pour le psychiatre. Or nous allons voir que le corps, plutôt que d’incarner le lien entre les deux mondes, a souvent joué celui de repoussoir. Il est donc plus que jamais temps de franchir le tabou du corps en psychiatrie.

(…)

Messages

  • Cher Monsieur Delion, votre texte m’étonne lorsqu’on le compare à cette diatribe anti-associations de parents d’autistes qui est la votre. Êtes-vous donc de bonne foi lorsque vous louez le biopsychosocial en psychiatrie ? L’aspect Biologique vous semblant louable, pourriez-vous donc m’expliquer cette contradiction qui est la votre lorsque vous niez l’inexistence de preuves de la validité du psychologique dans l’étiologie de l’autisme ?

    Auriez-vous l’humilité de vous regardez dans une glace et vous dire : je suis animé de la meilleure des intentions mais mon attitude à ce sujet relève typiquement d’une dissonance cognitive , ce qui me permets d’affirmer A tout en sachant bien que A signifie que mon discours sur B est faux.

    Ou me trompe-je sur la qualification de vos intentions ? à lire tous les commentaires vous décrivant comme étant chaleureux, et humain, je ne peux que vous porter crédit dans ce sens, je penche donc pour le phénomène psychologique précédemment cité, ce qui, rassurez-vous, arrive à tout le monde, au contraire de la schizophrénie.

    Revenons donc à l’aspect Biologique du Biopsychosocial, pourriez-vous SVP m’énumérer les études médicales scientifiques (vous avez cité "médecine" plusieurs fois, n’est-ce-pas ?) situant l’autisme. à proportions comparées, quel domaine semble prédominant ? Un exemple, en résumé :

    Biologique : le facteur génétique et donc développemental.
    Sociologique : Les interactions avec l’entourage, qualifiant l’autisme
    Psychologique : les théories psychanalytiques, dont aucune étude n’a à ce jour prouvé la validité en matière d’autisme.

    - merci encore pour ce petit exercice de réflexion.