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Le corps sémiotique de l’équipe
AMPI, Marseille 2001
jeudi 13 décembre 2007, par
Le corps sémiotique de l’équipe
Michel Balat
A-t-on une garantie de ne pas dire des choses qui vont se révéler par la suite être de grosses conneries, comme celles que nous venons d’entendre ? Il n’y en a pas. C’est une horreur ce qu’on a entendu ! En même temps, ça a presque un effet un peu inhibiteur. Une certaine légèreté dans le champ théorique doit pourtant pouvoir exister, sinon on est foutu ! D’un autre côté, on peut être amené à entendre des trucs comme ça. Il y a donc eu des énormités, on aurait pu les éviter... D’accord. Mais ce n’est pas le plus important. Heureusement parfois on peut prévoir : je pense à des constructions telle l’ethnopsychiatrie. Je suis assez d’accord pour dire que ce n’est pas clair. Il y a derrière ça des choses vraiment très dangereuses, et des formulations qui me paraissent très risquées. Il me semble que la psychiatrie, la psychanalyse..., c’est ethno, sans quoi ça n’est pas. Puisque c’est l’autre, celui qui vient nous voir, qui doit toujours interpréter ce qui est dit. C’est avec son ethno-quelque chose qu’il pratique l’interprétation. Nous, simplement, notre travail, c’est d’être suffisamment cultivés, c’est tout.
Je voudrais vous faire aujourd’hui une proposition sur la question du corps.
L’année dernière, Jean Oury a présenté dans son séminaire du troisième mercredi de chaque mois à Sainte-Anne sur le travail, entre autres, un type épatant, Niels Egebach, qui élabore des trucs extrêmement intéressants. En particulier, il fait le lien entre la question du travail chez Marx et la question de la pulsion, le jeu et bien d’autres choses, et il propose l’idée du corps sémiotique. Ça me va droit au cœur parce que, le corps sémiotique, c’est ce dont j’essaye de parler depuis plusieurs années. Ça m’a relancé un peu dans cette voie-là. Il faudrait que je m’en explique un peu.
Il se trouve qu’actuellement, je suis en train de lire un livre qui s’appelle : « Traité de neuropsychologie clinique », de Van der Linden. Je ne sais pas si vous connaissez ? Dans le premier article, celui qui présente l’ensemble du livre, et qui s’appelle « Les fondements de la clinique neurologique et la corrélation anatomo-clinique », d’un nommé Patrick Verstichel... (C’est la première phrase, ce n’est pas le titre ! Vous n’avez pas des yeux de rechange ? ) on peut lire : « Si une faculté est perdue à la suite de la lésion d’une région cérébrale, on en déduit que la zone en question gouverne cette faculté dans les conditions normales, et on peut prédire qu’à chaque fois que cette faculté sera altérée, la même zone sera détruite chez tous les patients ». Voilà ! Les fondements. C’est un livre très sérieux. Il paraît que ce n’est pas n’importe qui Van der Linden ! Est-ce qu’on peut aller quand-même au-delà de ça ? au-delà de cette idée à laquelle un philosophe que j’aime beaucoup, dont je parle souvent, Peirce, a déjà fait une objection sérieuse. Il dit, par exemple, si on renverse mon encrier, je ne peux plus écrire. Donc la faculté d’écrire est gouvernée par mon encrier (je traduis Verstichel), et chaque fois que je n’arriverai pas à écrire, c’est parce que mon encrier aura été renversé ! Voilà à peu près la traduction qu’on peut donner dans ces termes-là. C’est quand-même quelque chose ! Alors, comment s’extraire de ces ornières ? Ces ornières-là, qui sont celles dans lesquelles nous sommes actuellement avec la pseudo-science qui envahit tout le champ... On pourrait prendre chaque mot et voir à quel point il n’est vraiment pas adapté à la situation.
Alors donc, le corps sémiotique. Après plusieurs années de travail avec les traumatisés crâniens à Château Rauzé près de Bordeaux, je me suis rendu compte que la première question qu’on posait quand on faisait une réunion spécifique parce qu’il y avait un blessé qui n’allait pas bien, l’équipe n’allait pas bien non plus - tout le monde était là, le blessé, l’équipe... mais des personnes souvent en état végétatif, donc ils ne parlent pas, rien du tout, ¬— chaque fois la question était : au fond, pourquoi avez-vous demandé cette réunion ? Question tout à fait anodine. J’avais l’impression que c’était pour engager la discussion. Et à la réflexion, je me suis dit que ce n’était peut-être pas ça. Peut-être que finalement, on est en train de s’occuper d’un corps. Mais alors d’un corps sémiotique. Le corps sémiotique étant une sorte de rassemblement non précisé, vague, de membres de l’équipe et au-delà, — quand je dis équipe, c’est au sens large, incluant le blessé. Comme si tout à coup, dans ces moments-là, on pouvait presque saisir comme un corps qui fonctionnait et qui trouvait un interlocuteur pour exprimer son mal-être de corps sémiotique. Ça à l’air d’être un fantasme, on pourrait aussi dire que ce pourrait être une métaphore. Alors, et si ce n’était pas un métaphore ?
C’est là le début de l’idée de ce que je suis en train de vous présenter et qui peut être une chose évidente pour chacun d’entre vous. Peut-être qu’au fond cette remarque, vous vous l’êtes déjà faite et que vous travaillez avec ça, mais pour moi, c’est nouveau. Donc, c’est avec une certaine naïveté que je viens vous le présenter.
Un jour la télévision passait un reportage sur Château Rauzé. On y voit arriver un patient qui s’appelait Nicolas. Il arrivait de l’extérieur. Il venait de l’hôpital. On saisit l’arrivée, la caméra suit le patient. On perçoit tout un tas de gens qui se précipitent, s’agglutinent autour de la civière et, n même temps, d’autres personnes qui passent au large, n’accordant même pas un regard à la scène. Or, parmi les gens autour de la civière, certains faisaient partie de l’équipe et d’autres non (par « l’équipe », j’entends l’équipe officielle). Par ailleurs, parmi ceux qui croisaient au large, certains étaient de l’équipe. J’ai pensé, voilà une sorte de corps qui apparaît. C’est la « constellation », évidemment ! Tout ça, c’est préparé depuis longtemps ! Mais quand-même, là, c’est comme si tout à coup, il y avait un point de vue presque physique de la chose. On le voyait, ce corps. C’est ainsi qu’est venue l’idée que ce corps, on le rencontre finalement dans les réunions que nous faisons avec les blessés. On le rencontre, ce corps, et il trouve des interlocuteurs. Finalement, est-ce que ce n’est pas ça à quoi nous sommes confrontés ? Si nous considérions que ce n’est pas le malade qui est spécifiquement malade mais toujours un certain corps sémiotique, c’est quand-même autre chose ! Bien entendu, en arrière-fond, on peut penser à cette question de Winnicott qui dit : il faut parler de l’environnement, c’est dans l’environnement et selon sa richesse et sa pauvreté qu’un certain nombre de choses peuvent se déclencher. Là, c’est la question du corps plus que celle de l’environnement, c’est la question du corps dans un environnement. Finalement penser que chaque membre de l’équipe participe à un ou plusieurs corps dans lesquels il y a d’autres membres de l’équipe, et des blessés. Penser peut-être un peu autrement tout le brouillard institutionnel, ces petites gouttes en suspension partout, considérer qu’il y ait comme ça des corps inaperçus, peut-être invisibles, des corps invisibles qui ont quand même une certaine manière d’être.
Mais si on veut dépasser la métaphore, il faut passer à autre chose. Il faut qu’on prête à ce corps une certaine autonomie. Si on parle de corps, il faut parler d’autonomie, peut-être avec une problématique autonomie/hétéronomie. C’est-à-dire, dans quelle mesure la loi propre du corps est-elle interne ou externe ? Tout ça ce sont des choses à discuter, mais ce sont des problèmes extrêmement concrets. Ainsi dans les traumatismes crâniens, dans les comas graves, ça se voit. On voit bien que chez quelqu’un qui est dans un coma grave, avec assistance respiratoire... etc., il y a une hétéronomie de son corps. Il n’est pas autonome. Il devient autonome dès lors que les fonctions végétatives peuvent à nouveau être reprises. C’est toujours autonomie/hétéronomie par rapport à des fonctions. Là, c’est par rapport aux fonctions végétatives.
Bon ! Je laisse un peu ça. Il y a un deuxième aspect qui est l’aspect de l’homéostase. Un corps doit avoir une certaine homéostase. L’homéostase étant, grossièrement, un manière de s’adapter au monde environnant en maintenant une certaine tension, un certain équilibre du corps. Avec l’homésotase, c’est surtout un rapport avec l’environnement. Donc, le corps comme ça, le corps malade, équipe plus patient, plus tout ce que vous voulez, on peut dire qu’il a une certaine homéostase. Il me semble qu’on peut dire que l’homéostase, c’est le principe du principe du plaisir chez Freud. Avec le fait que la rencontre peut se faire avec l’extérieur sous la forme de la jouissance, de la répétition, toutes ces choses-là.
Je vais vous donner un exemple de la façon dont cette idée peut être perçue. Un jour, un patient qui arrive, un blessé. On l’amène. Il est sur un fauteuil roulant. Il est complètement fermé... il est dans la phase végétative de l’éveil. Lors de cette réunion, il y avait plein de monde. La porte s’ouvre. On fait rentrer le monsieur. On l’installe autour de la table avec les autres. On ferme la porte. On commence à parler. En principe, la question sacrée devait être posée : alors, pourquoi est-on là... etc. ? Il se trouve que ce jour-là, cette question n’est pas posée. Même au contraire, « l’animateur » de la réunion décide de ne pas parler du bonhomme. Rien. Pas un mot. Le type était là et on n’en parlait pas. Ce jeune homme avait un mouvement spastique du pied. Il tapait sur le sol. Au fur et à mesure que la discussion se menait sans parler de lui, le fauteuil reculait sous l’effet du choc du pied sur le sol. Petit à petit, il est arrivé jusqu’à la porte. À ce moment-là, un des soignants, en colère, — il râlait comme un poux qu’on ne s’occupait pas d’un type auquel il tenait, il voulait à tout prix qu’on en parle —, se lève, prend le bonhomme, ouvre la porte, le sort, le ramène dans sa chambre... Il redescend. Là, il se plante devant l’animateur et dit : « maintenant, tu vas t’expliquer ! ». L’animateur dit : « Oh ! Il fallait lui foutre la paix ».
Il faut dire que le lendemain, ce blessé est sorti de l’état végétatif. Ça a fait un choc.
En fait, le corps sémiotique était ankylosé ! Vous êtes assis depuis longtemps. Vous avez une jambe ankylosée. Vous vous levez. Vous n’allez pas gambader quand même ! Il faut attendre que tout ça se remette bien. Ce blessé, dans le corps, c’était la jambe ankylosée. On lui proposer de courir, de gambader, « Vas-y ! Tu vas sortir de là ! Tu vas voir, nous on saura le faire ! ». Combien de fois, on observe des trucs comme ça ? Combien de fois, on est complètement hors rythme par rapport à la personne ? On essaye de la faire gambader alors qu’elle ne peut pas. Toutes ces choses-là sont extraordinairement pesantes. Ce corps, c’était un corps avec une partie ankylosée. Il faut dire alors : « attendez ! On se calme ! Laissons toutes les choses bien se détendre ».
J’aurais, bien entendu, des tas d’autres exemples à vous proposer et puis chacun vous avez sans doute en tête. Mais il m’a semblé que la pensée du corps, comme ça, pouvait être intéressante.
Maintenant, vous remarquez que j’ai pris l’autonomie et l’homéostase et que je n’ai pas pris l’unité. Parce qu’il y a effectivement là un problème d’unité. Mais est-ce que l’unité est indispensable à un corps ? Il faut voir. C’est peut-être vrai. Mais quel est le type d’unité ? Est-ce que c’est une unité possible, est-ce que c’est une unité réelle ? Quel est le type d’unité dont on parle quand on parle d’unité de notre corps, en dehors de l’autonomie et de l’homéostase ? Ce sont des choses qui sont toujours à discuter dans le travail qu’on fait, tout particulièrement lorsqu’il s’agit du corps sémiotique. C’est là que la question se pose.
Qu’est-ce qui permet d’une manière très concrète de pouvoir parler de ce corps sémiotique ? La notion de corps est, comme on le sait, susceptible de recouvrir bien des réalités. Nous entendrons ici le corps comme « sémiotique », c’est-à-dire le corps-signe. Il y a longtemps que les logiciens utilisent une distinction fondamentale entre la proposition « type » et la proposition « token ». De quoi s’agit-il ? Énoncer une proposition, c’est mettre en avant un symbole (la proposition-type) grâce à une marque perceptible (sonore, visuelle… ou autres) que nous avons l’habitude de nommer « tessère » (la proposition-token). Pour fixer les idées, représentons-nous un mot, « la » par exemple, qui est unique dans le dictionnaire, c’est alors un type, mais qui a plusieurs occurrences sur cette page, chacune étant une tessère du type. La production d’une tessère sera une opération d’écriture, celle du symbole afférent, du type, une opération d’inscription. L’inscription réclame donc logiquement une dimension matérielle de support d’écriture (orale, scripturale, gestuelle, etc.) et une dimension, en quelque sorte, légale d’inscription. Ce qui permet l’ensemble de ces fonctions sera désigné sous le nom de « feuille d’assertion » . Pour donner un petit exemple, être admis à l’hôpital nécessite non seulement une mobilisation matérielle de divers secrétaires, lieux et formulaires, mais aussi un cadre légal qui rende cette inscription telle : l’ensemble constitue la feuille d’assertion. En somme il ne suffit pas pour s’inscrire de mettre son nom sur un bout de papier et remiser celui-ci dans sa poche !
Ce point de vue permet de préciser une distinction entre établissement et institution : l’institution sera un établissement où l’attention collective sera portée fondamentalement sur la constitution d’une feuille d’assertion pour ceux dont ce dernier a la charge (personnel et ayant-droits). Dans la mesure où il s’agit d’inscrire des propositions, nous concevons facilement qu’il s’agit là de processus continuels d’institutionnalisation.
Ce que nous avons appelé le corps-signe sera à considérer à la fois comme tessère et (donc) comme type.
Depuis longtemps et peut-être ici pour ceux qui viennent depuis plusieurs fois et qui ont pu entendre des trucs que je raconte, il y a ce concept que je trouve très utile pour penser ces choses-là, c’est le concept de tessère dont je viens de parler. Pour préciser encore. Quand vous écrivez un mot, il faut bien que vous traciez une certaine forme sur un papier matériel. Si vous le parlez, c’est avec un son. Cette dimension « matérialo-psychique » du mot, c’est ce qu’on appellera une tessère. Ainsi, est-ce que vous pouvez considérer qu’il existe une pure pensée du mot sans avoir une occurrence sous la forme d’une tessère ? On peut avoir plusieurs réponses. On peut prendre la réponse platonicienne : oui. Les idées existent sans support. Ou bien, on peut dire non : nous ne connaissons ces choses-là que parce qu’elles ont une certaine matérialité. Nous ne connaissons les mots en général que parce qu’ils ont une matérialité. Mais, au départ, quand même, l’enfant, quand il commence, cette matérialité, où est-elle sinon dans le corps. L’enfant est aidé par la mère, guidée par elle..., dans le contact, dans ce corps à deux qui ne fait qu’un corps sémiotique pendant longtemps, jusqu’au divorce, si jamais il a lieu, ce qui n’est jamais sûr. On appelle ça d’un mot très laid, la tessérisation du corps de l’enfant. Petit à petit, l’ensemble de son corps, je ne parle pas de paquets de chair, l’ensemble du corps est investi de ces matières signifiantes. Et son corps devient matière signifiante avec ses articulations... C’est d’une complexité inouïe !
Dans une équipe, c’est très facile de fabriquer un corps. Enfin, très facile ! Je veux dire que ça se fait tout seul. Personne ne va réfléchir et dire : « et si j’allais fabriquer un corps ! ». Non ! Ce n’est pas comme ça que ça se passe. Ça se fait tout seul. À un moment donné, il y a une prise ensemble qui se fait et qui dépasse bien entendu les limites-mêmes qui sont définies officiellement. Par exemple : « vous, vous allez être le référent ! ». Le référent, parfois, n’est même pas dans le corps. Il n’y est même pas ! Parfois, il est en plein dedans. Allez donc savoir ! Ça ne dépend pas des limites administratives instaurées. Ça dépend de quelque chose d’autre. C’est-à-dire que l’observation de ce corps est une des tâches qu’on peut se donner. Et effectivement, on voit dans ces réunions-là de quoi il s’agit. De quoi s’agit-il par exemple dans ce genre de réunions, quand le corps trouve un interlocuteur ? Dans ce moment-là, on observe quelque chose tout fait intéressant. Ce corps qui porte un symptôme, qui est en grande difficulté - comme corps, il pose symptôme, je ne dis pas que le blessé est un symptôme du corps, c’est bien plus vaste que ça -, du fait de trouver un interlocuteur, tout à coup, on peut dire que - excusez l’expression - chacun peut reprendre ses billes. Parce que chacun parle, donc se redéfinit soi-même comme corps, pouvant d’une certaine façon faire apparaître des systèmes relationnels qui restent tus dans le corps, bien entendu. Chacun reprend ses billes. On quitte le corps un petit peu... pour le retrouver le lendemain matin quand on retourne le travail ! Ces réunions-là sont extrêmement importantes parce qu’elles permettent à un moment donné de pouvoir mettre à jour un certain nombre de systèmes relationnels qui étaient cachés derrière le symptôme évident qui est le mal-être du corps. Ce n’est pas toujours un mal-être.
Un jour, j’ai trouvé un vieux bouquin d’un nommé Landré Bauvais. Je ne sais pas s’il a laissé des traces en médecine. Je l’ai acheté parce qu’il s’appelait la séméiotique : Séméiotique ou traité des signes des maladies. Je n’ai pas hésité longtemps. J’ai bien fait parce que dedans, il fait une triple distinction intéressante entre le phénomène, le symptôme et le signe. Ce que j’aime bien, c’est le phénomène. Le phénomène, c’est : « il se passe quelque chose », comme le dit Jean Oury. Qu’est-ce qui est ce qui se passe ? Le ce qui se passe, c’est au niveau du phénomène. Est-ce que c’est pathologique ? On n’en sait rien. Il se passe quelque chose. C’est tout. Ce niveau-là, c’est finalement celui qu’on peut atteindre dans le premier rapport avec ce corps. Qu’est-ce qui se passe ? Là, on voit tout à coup le corps apparaître parce qu’on voit les personnes qui se mobilisent en parlant chacune en son nom propre, mais aussi en parlant au nom du corps. — parce que quand même est-ce qu’on toujours sûr de parler en son nom propre ? Ce n’est pas une chose toujours simple à faire ! — donc en parlant en même temps au nom du corps et en son nom propre, mais dans tous les cas permettant d’une certaine façon de pouvoir reprendre un temps, s’extraire en quelque sorte de ce corps, tout en témoignant de la participation qu’on a à ce corps-là.
J’ai parfaitement conscience que je vous ai sans doute dit des choses que vous savez sans doute depuis longtemps. Par ailleurs, je suis un peu hors-champ par rapport au thème. Mais peut-être pas tout à fait non plus. À partir du moment où l’on peut poser la clinique comme celle de corps mêlant des gens de l’équipe presque pris au hasard, comment pourrait-on alors maltraiter ce corps quand on prétend le soigner ? Il me semble que ça peut fournir quelques (trop pauvres) barrières contre les interventions bureaucratiques, administratives... On pourrait dire : « Attendez ! Vous êtres en train de massacrer un corps, d’éradiquer drôlement un symptôme... ». Ça peut être un moyen aussi de penser ce lien multiple qui existe, et qui fait que finalement on est bien obligé d’avoir une éthique qui va avec, si je puis me permettre cette expression cavalière. On ne peut pas en rester à des pratiques dites médicales, mais qui ne le sont pas.
Je vous remercie.
AMPI Marseille le 17/11/2001