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Le temps de l’inscription par Laurence Fanjoux-Cohen
jeudi 21 octobre 2010, par
Le temps de l’inscription (L’usage sémiotique du temps dans le quotidien d’une psychiatrie de ville).
Dr Laurence Fanjoux-Cohen. Psychiatre. (Perpignan)
Au début de mon activité de psychiatre, le concept de temps n’intervenait que très peu dans ma pratique quotidienne. Je faisais une psychiatrie que l’on peut qualifier de « généraliste », basée sur l’enseignement universitaire durant mes années d’internat à Marseille où se mêlaient à la fois des notions phénoménologiques et quelques rudiments psychanalytiques. Une orientation en thérapie systémique m’a conduite à travailler un an à San Francisco sur les thérapies de couple puis trois ans à Paris avec Mony Elkaïm, mais là aussi la notion de temps n’intervenait que très peu dans ma pratique. Si je réfléchissais au temps, c’était celui du temps vécu, concept que j’avais étudié dans le service du Pr Tatossian. On parlait de ralentissement du temps vécu dans les dépressions, d’accélération du temps vécu dans les manies et il nous était demandé à nous, étudiants internes de l’époque, de toujours rechercher cette dimension temporelle dans l’approche clinique des patients.
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Messages
1. Le temps de l’inscription par Laurence Fanjoux-Cohen, 30 décembre 2010, 22:27, par Mathieu Carrere
« Nous ne nous sommes jamais rencontrés. ». Cette phrase dans votre bouche mit fin, il y a bientôt deux ans, à la série de trois entretiens que nous eûmes, au printemps de ma trente-troisième année, alors que vous déceliez l’Alcool, le grand Alcool, comme membre de ma famille et me dirigiez vers le choix d’un de vos confrères, me glissant deux noms en main, confrères dont vous m’assuriez une compétence dans le domaine de l’alcoologie dont vous disiez qu’il vous êtait étranger.
Ces trois rendez-vous, qui donc jamais n’eurent lieu, furent ce-pendant occasion d’une de vos interprétations : je célébrais alors, sans l’avoir pleinement remonté à ma conscience un anniversaire, un décennie qui se terminait pour moi. « Dix commandent ! » ment : Kairos, plutôt, vous inspira.
L’Eternel Retour de Nietzsche, pont vers Freud si j’ose en croire M. Assoun et M. Klossowski qui me tenaient également compagnie à ce moment, hantait mes lectures et semblable accumulation compulsive de ma part restait piètre lumière sur ma condition. Le prénom germanique du philosophe étant l’un des deux noms sur le papier tendu par vous, mon choix prit peu de temps. Début d’un processus...
Nous nous revîmes plus tard sur ce parcours mien, aux causeries de M. Balat mais aussi sur un... cheminement en bord de mer : quitter l’alcool brûlant devait m’amener à fréquenter l’eau fraîche.
Dix ans, un anniversaire.
Il y a deux mois, alors que flottait mon oreille autour des paroles d’une membre de l’association de malades alcooliques, dont je fais désormais partie, trois dates de « rechutes » apparurent dans son discours : 2010, 2005 et 2000. J’osais alors questionner sur 1995 et elle réalisait que cette année avait vu la mort de son frère.
Hier, dinant chez un autre membre, contant l’anecdote, qui semblait devenir donc antidote, celui-ci réalisa que l’anniversaire de sa décision d’arrêter l’alcool coïncidait dix ans jours pour jour avec la mort de sa mère. Ce rapprochement ne lui était jamais venu auparavant à l’esprit.
Ce soir, alors que se tenait la réunion de groupe, nous évoquions ceci et O. Friedrich amena un membre à évoquer que ses rechutes avaient lieu en septembre, de manière répétée. Il vit alors que ce mois contenait une date-dette, d’une importance capitale pour lui surtout, mais pour d’autres aussi...
Si le poète trouve Saturne morne et taciturne, dans son union anankastique irrémédiable sans doute, je venais ici vous remercier d’avoir, par votre « jamais » qualifiant nos rencontres, saisi l’occasion d’éclairer, ce soir encore, quelques éternels retours,certains déviés pour un temps, du moins encore à cette heure.