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Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012
vendredi 27 janvier 2012, par
Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012
Madame, Monsieur
Nous sommes parents d’un jeune adulte de 25 ans aujourd’hui qui, par chance, a croisé sur son chemin, durant sa petite enfance le Docteur Delion.
Nous habitons la région a. et notre fils a été suivi de l’âge de 6 ans à l’âge de16 ans dans le service de pédopsychiatrie que dirigeait alors le Docteur Delion.
Quand nous sommes arrivés la première fois dans ce service, nous ne savions plus comment ‘tenir’, ‘vivre’, avec notre enfant qui, aux prises avec des manifestations qui nous échappaient, nous épuisait à force d’attention de chaque seconde, de nuits éveillées, de hurlements, de comportements inadaptés dans tous les lieux où nous finissions par ne plus vouloir nous rendre avec lui ; magasin, parc pour enfants, transports en commun, salle d’attente….
H., notre fils, pouvait se mettre en danger, manifestait beaucoup d’angoisse au moindre changement, à la moindre frustration.
Sa scolarisation n’avait pas été possible. À ce moment-là aucune aide n’existait, la loi 2005 n’est venue que bien trop tard pour nous et H.
H. était par défaut en IME.
Notre rencontre avec le Docteur Delion et son équipe a été pour nous capitale car nous nous sommes sentis pour la première fois, écoutés. La souffrance de notre petit garçon était prise en compte en tant que telle, et il n’y avait aucune suspicion qui pesait sur nos épaules de parents déjà fort culpabilisés.
Il nous a été proposé d’emblée de rencontrer très régulièrement le Docteur Delion et un membre de l’équipe, le cadre infirmier, à raison d’une fois toutes les 6 semaines.
Ces rencontres étaient pour nous, les parents, l’occasion de relater ce qui se passait à la maison, comment nous avancions avec H. et nos deux autres enfants. H. est l’aîné, S. et R. n’ont aucune difficulté. Il était très important pour nous d’être entendus dans notre réalité du quotidien, mais aussi et surtout d’être aidés à percevoir du sens dans le
‘ magma’ que nous donnait à voir H.. Penser ce que nous ne comprenions pas grâce aux explications de Pierre Delion, à sa mise en perspective entre la clinique et le quotidien, nous permettait de mieux accompagner H. mais surtout, nous permettait de tenir nous, notre place. À un moment très difficile pour notre second fils qui ne supportait plus notre impuissance face aux difficultés de H., le Docteur Delion l’a reçu, l’aidant à continuer son chemin.
Sans cet accompagnement qui nous été offert toutes les 6 semaines pendant près de 10 ans, nous n’aurions pu continuer à vivre tous ensemble sous le même toit !
H. a toujours été d’une personnalité extrêmement attachante, et tenace dans la relation. Il a toujours beaucoup manifesté son attachement à nous ses parents, à son frère et à sa sœur, aux amis. Nous n’avions aucun doute, compte tenu de son comportement, sur le lien important et bon pour lui qui l’unissait aux personnes qu’il rencontrait en pédopsychiatrie.
Les soins proposés à H. ont évolué au fur et à mesure de ce qui a été observé par l’équipe de service de pédopsychiatrie et par Le docteur Delion qui, dans un premier temps a rencontré H. seul.
C’est ainsi qu’un atelier sans médiation a été proposé puis abandonné au profit d’un travail thérapeutique en pataugeoire. Le travail psychothérapique dans ce cadre n’avançait que peu.
Il a aussi été proposé à H. un accueil avant et après la pataugeoire, autant pour que le travail autour de la relation se fasse que pour nous permette à nous de souffler un peu.
H. était donc accueilli deux fois dans la semaine dont un après-midi entier
En complément un traitement médicamenteux l’aidait à apaiser un peu ses angoisses.
Le docteur Delion n’a jamais refusé le dialogue concernant les médicaments et il nous a été possible de demander à modifier, suspendre, en fonction de ce que nous observions.
Le travail en pataugeoire ne donnant pas tous les résultats espérés, le Docteur Delion nous a proposé un soin en packing en nous expliquant bien le déroulement des séances, leur contenu, l’objectif.
Lors de nos rencontres avec le Docteur Delion nous avions évoqué que pour calmer H. nous pouvions l’entourer de nos bras, l’envelopper de notre corps, pour l’empêcher de se débattre, l’apaiser et lui éviter de se blesser. Cet enveloppement pouvait se révéler ferme pour contenir ses colères mais s’avérait, à terme, rassurant pour H.. C’est aussi en lien à cette réflexion que la proposition de packing a été faite.
Nous avons donné notre accord et H. tout en continuant à être reçu à l’accueil, à être médicamenté, a bénéficié d’un, puis de deux et enfin de trois packing par semaine !!!
H. n’a jamais refusé ce soin, bien au contraire, il le réclamait.
Jamais nous n’avons eu le sentiment qu’il subissait ce soin, mais qu’au contraire ce qui lui été proposé correspondait vraiment à son besoin.
Jamais nous n’avons eu l’idée d’un mauvais traitement, d’une ‘torture’.
Même pendant les vacances H. souhaitait poursuivre son packing.
Sans ce soin, nous sommes persuadés que notre fils ne serait pas là où il en est aujourd’hui.
Il a gagné en autonomie, parvient à mieux gérer les relations, il travaille en ESAT, se déplace seul, et envisage de quitter le domicile parental.
Sans le packing, quels soins auraient permis à H. de sentir son corps moins morcelé ? Comment aurait-il construit une enveloppe de lui-même lui permettant aujourd’hui d’être inséré, d’avoir des relations plus apaisées et un travail auquel il se tient ?
La construction psychique de H. s’est faite grâce au packing, à l’accompagnement du Docteur Delion et de son équipe et nous ne pouvons laisser attaquer ce dernier sans réagir.
Nous avons tenu, nous, ses parents, parce que les soins proposés à notre fils avaient du sens et que nous étions informés, écoutés.
Peut-être est-il plus facile de ne pas regarder la souffrance psychique de son enfant. Peut-être est-il plus facile de se dire que telle ou telle ‘méthode’ va gommer l’inexplicable, l’insupportable. Si nous avions agi ainsi aurions-nous le H. d’aujourd’hui, certes pas tout ‘lisse’ mais tellement lui, avec toute sa subjectivité et sa créativité.
Si nous n’avions pas fait cette rencontre avec le Docteur Delion, nous n’aurions pas pu être parents comme nous l’avons été pour nos trois enfants.
Ce soin si décrié qu’est le packing, a sauvé notre fils nous en sommes convaincus.
L’attention et le professionnalisme du docteur Delion et de son équipe nous ont permis, nous, le reste de la famille, de poursuivre notre route.
Nous tenons, en ces temps difficiles, à témoigner de tout ce chemin.
H. qui est à mes côtés mais qui ne sait malheureusement pas écrire, me demande de rajouter ceci ;
« Les soins un peu froids du packing n’étaient pas faciles mais cela me posait, me reposait. J’avais confiance, et j’étais bien. J’veux pas qu’on dise n’importe quoi de Delion, c’est un grand médecin. » H. B.
Madame, monsieur nous restons à votre disposition pour de plus amples renseignements et vous prions de recevoir nos respectueuses salutations.
Madame et monsieur B.
Messages
1. Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012, 27 janvier 2012, 16:37, par Une vieille mère d’autiste
Ma vie de mère d’autiste m’a tant appris à vivre dans la peur des autres que je conserve un lâche anonymat.
Mon fils, autiste maintenant vieillissant, depuis sa petite enfance a présenté un développement aberrant et de graves troubles du comportement. Que savait-on de ça en ce temps-là ? Que pouvais-je comprendre à cet enfant qui ne voulait pas – ou ne pouvait pas – s’asseoir, tenir une cuillère, marcher, parler ?
Nous lui avons somme toute appris beaucoup de choses, sans surmonter ses bizarreries : par exemple depuis qu’il a su marcher, vers deux ans, à intervalles fixes il se penche et touche la terre avec trois doigts tendus, comme pour vérifier qu’elle est bien là, et solide. Sans non plus réussir à calmer ses crises d’une détresse visible, qui se manifestait par l’agitation et la violence, contre les objets, contre les autres et contre lui-même. Il se débattait quand on cherchait à le calmer en le serrant dans les bras.
Quand il était très mal, il se précipitait dans la salle de bain et ouvrait les robinets de la baignoire en réclamant un bain. Quand nous allions à la campagne, il fallait le surveiller sans cesse pour qu’il n’aille pas se plonger tout habillé dans la rivière ou dans la mare, même en plein hiver, et il était toujours plus vif que nous : il en ressortait vivement, trempé,glacé, calmé, souriant d’être enveloppé et frictionné dans sa grande serviette. En promenade il fallait prendre garde à tout ruisseau, tout étang ; une fois même nous l’avons rattrapé de justesse au bord d’un lac de barrage.
Je ne comprenais pas ce qu’il cherchait dans ce contact brutal avec l’eau glacée, je craignais la noyade, le refroidissement, je pestais contre tous ces vêtements à laver et à sécher, les siens et les miens, contre la vase dégoulinante. Mais ça se terminait par le bonheur d’un câlin parce qu’alors il se laissait serrer dans mes bras, enveloppé dans sa grande serviette, lui qui mordait dès qu’on le touchait.
Pourquoi n’ai-je pas pensé alors à exploiter méthodiquement ce besoin de bain glacé ? Je me sens stupide de n’avoir jamais su comment m’y prendre avec lui. J’ai manqué d’imagination et j’étais si démunie. En ce temps-là je nourrissais une rage folle contre les médecins, attentifs certes mais impuissants à guérir mon enfant, contre les témoins des incongruités de mon fils, juges, donneurs de leçons ou lâcheurs.
Maintenant je suis pleine de compassion pour la mère maladroite et hargneuse que j’ai été, et pour les jeunes parents prêts à se jeter dans les griffes du diable ou de n’importe quel gourou qui leur promet un enfant comme les autres.
2. Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012, 28 janvier 2012, 14:10
Psychiatre pour adultes et adolescents, je n’ai jamais pris en charge d’autistes, mais je lis attentivement sur ce site depuis maintenant de nombreux mois cette bataille autour du packing.
Vos lettres de parents ont pour moi une valeur inestimable. Vos témoignages me font toucher du doigt ce qu’aucun échange jusque-là n’avait réussi à faire.
Dr Laurence Fanjoux-Cohen
3. Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012, 30 janvier 2012, 14:32, par Michel Balat
Participation au débat. Didier Petit (didierpetit21@gmail.com)
Comment ne pas perdre son latin dans une guerre déclarée sur des prémisses fausses...
Toutes les théories et techniques ne sont que de multiples abords possibles ou en acte, et d’institutions qui concernent un même homme, faisant parti d’une vie sociale.
En cela, les institutions de fonction humaines que sont l’éducation, la pédagogie, le soin, l’administration, peuvent être utiles à tous, elles correspondent à grandir, vivre en société et convivialité, avoir des outils pour s’exprimer et comprendre, pour faire face à la souffrance et faire suivre l’intendance, respectivement.
En tant que praticien de psychiatrie de l’enfant, j’ai vu s’accroître l’étendue du champ nommé aujourd’hui « autisme » et perdre de sa différenciation. Les nombreux entretiens avec des parents sur ce qu’ils connaissent de la venue de leur enfant, des circonstances d’apparition des difficultés de contact dans la vie quotidienne avec lui, de ses stases de développement (ou de la précocité parfois de certaines compétences à côté d’une fermeture de la relation) m’amènent à chercher avec eux la voie de reprise des émergences de façon singulière. Il est certain que pour ce qui est du rôle du soin qui ne représente qu’un aspect complémentaire de tous les autres, l’urgence est toujours de prendre contact avec l’enfant dès les premiers propos échangés avec les parents, afin de ne pas faire que de parler « de lui », mais de communiquer « avec lui », quel que soit l’âge ou la capacité intellectuelle potentielle ou visible de l’enfant.
Ce que nous apprenons alors de ces émergences permet de donner des pistes, y compris des éclaircissements pour les autres champs éducatifs, pédagogiques et pour le style de lien social que l’enfant peut saisir.
S’il est judicieux de prendre contact avec tout enfant, y compris et de façon encore plus urgente avec l’enfant autiste, ou celui qui porte des traits autistiques mais pas seulement, ça oblige à trouver les vecteurs-outils de la langue à laquelle il peut accéder. En ce sens on ne peut se contenter de la voix seule et de la langue orale, mais de toute forme de signe écrit, dessiné, objet matériel représentatif, et en particulier, théoriquement le plus accessible, le geste et la mimique. Tout signifiant, tout faisant signe, dont celui qui le nomme, celui qui me nomme en tant qu’interlocuteur potentiel, et des gestes-verbes qui les font tenir compte les uns des autres. La troisième personne en parole, les deuxièmes et premières en gestes et mouvement de choses visualisées, touchées, sonorisées. On trouve là l’articulation entre les principes des méthodes de différents champs institués qu’il est absurde d’opposer. L’éthique commune qu’on appelle à advenir dans toutes les pratiques est celle de permettre au sujet de ne pas être interdit dans différents modes d’aliénation, que ce soit dans une pratique psychique ou dans une pratique comportementale.
Après le chemin est bien singulier, pas exactement reproductible à la lettre, chaque enfant dit autiste n’ayant pas le même degré ni potentiel d’ouverture, comme tout un chacun. Chez lui, l’étrangeté par rapport à l’évidence commune doit maintenir prudent sur le jugement qui peut être porté et l’enjeu est crucial.
Au lieu de jeter des anathèmes sur tous ceux qui les entourent, familles, professionnels, aidants, et sur des interprétations de pratiques, il semble moins toxique de poursuivre le noble bricolage des différents champs des institutions de l’enfant que sont être aimé, apprendre, prendre soin , protéger, se risquer, dans un entourage. Qu’il faille de tout côté trouver les moyens de mise en œuvre sera plus efficace en défendant ensemble, partout où cela se trouve maintenant, les conditions de prise ne charge de l’accompagnement sous divers modes de ces enfants et adultes. L’idéologie de sécurité et de non dérangement des normes s’oppose à ce que bien des gens d’ordinaire disent, en s’étonnant de nouvelles rencontres, qui parfois changent leur vie alors qu’il n’étaient que de loin concernés par le mode d’existence humaine modifié par l’autisme.
Il existe bien d’autres variantes du mode d’existence, déficience, traumatismes, carences, et leurs effets à chaque fois aussi singuliers. Chez le bébé, certains ont formés des traits autistiques de défense, c’est différent mais ça existe. Or les catégories diagnostiques ne les différencient pas tant que ça, et ils sont l’objet d’amalgame. La pédopsychiatrie, l’école, la société les accompagnent aussi avec la même vigilance et le plus de disponibilité possible. Les moyens suivent à peine parfois pour parvenir à « ce qu’il suffit de proposer » mais pas moins, pour reprendre ce qu’à toujours affirmé Pierre Delion, pas trop, pas pas assez, car le soin n’est pas l’unique réponse dans la vie de l’enfant et des familles.
Enfin, pour ce qui concerne l’un des nombreux modes de soin, la technique de l’enveloppement du corps chez l’enfant est très encadrée et doit le rester. Elle s’adresse parfois à la situation clinique très préoccupante de violence qui n’a pas été accessible momentanément par d’autres moyens qui, en dehors de ces crises suraigües ou même pendant, ont leur rôle pour améliorer la situation de rage destructrice. Même en la pratiquant, nous voyons que des enfants en bénéficient, et nous arrêtons rapidement si ça n’est pas le cas. Elle concerne très peu d’enfants autistes. Il ne s’agit pas d’une application insensée et intéressée d’une technique magique ! Les autres espaces pédagogiques, familiaux ou sociaux ne sont pas, pendant ce temps là d’un soin à temps partiel, arrêtés pour autant et doivent être soutenus lors de ce moment symptomatique sévère. Donc arrêtons de situer cette pratique au centre d’une prise en charge d’enfant autiste ! Il y a toujours dans la polémique l’idée de définir un ennemi, et d’être déboussolé quand on ne l’a pas trouvé ! A bon entendeur salut.
4. Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012, 31 janvier 2012, 00:15, par Sébastien
Je suis profondément touché par ce témoignage. C’est courageux, plein d’humanité et d’amour.Encore ému, je souhaite une bonne route sur le chemin de la vie à cette petite famille !
5. Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012, 3 février 2012, 08:04, par S. Wojciechowski
Faites attention, M. Balat.
Votre site qui, jusqu’alors, était assez intéressant est en train de ressembler dangereusement à un livre d’or de restaurant soviétique infect dans lequel on ne voyait que des témoignages de camarades disant s’être régalés.
Très franchement, c’est dommage car vous avez prouvé pouvoir faire mieux que ça.
1. Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012, 3 février 2012, 09:59, par Michel Balat
Je ne sais pas qui vous êtes. "Faites attention", "peut mieux faire" : dans quel monde vivez-vous ? L’école ? La guerre froide, cette nostalgie qui vous obsède ? En tous les cas dans le monde glacé de la haine.
L’imbécillité, au sens étymologique du terme, de ceux qui nous ’gouvernent’ est votre force, à vous et vos amis de ce forum. Le délire antipsychanalytique est en plein développement et ses résultats ne se feront sans doute pas attendre trop longtemps. Le mot "soin" est devenu tabou, comme on a pu le lire ici. Belle victoire !
Michel Balat
2. Lettre de Madame et Monsieur B. le 23 janvier 2012, 3 février 2012, 10:05, par sebastien
Votre remarque est totalement déplacée. Franchement, un témoignage sincère de parents souligne les effets concrets et bénéfiques du travail des soignants. Si toute forme de témoignage doit devenir une forme de stalinisme, alors la parole humaine perd toute valeur.Vous n’avez donc confiance en personne. Il ne faut pas oublier que M. Balat laisse des propos sur son site qui n’appartiennent pas à son point de vue sur les soins des malades. Il invite tout le monde à sa table même les parents qui détestent ses mets. Il ne se fait jamais une part de lion dans les débats idéologiques :)