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PI et hiérarchie subjectales

mardi 18 septembre 2007, par Michel Balat

MEMOIRE DE D.U. DE PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE

PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE ET HIERARCHIE SUBJECTALE

INTRODUCTION

Nul doute au moment du choix du sujet : c’est le terme de « hiérarchie » qui nous a attiré ; évoquant pour certains la notion de rapport de force, pour d’autres des schémas d’organisation napoléoniens, et pour tous des souvenirs hospitaliers de rencontres plus ou moins riches ou difficiles.
Infirmier, interne, cadres infirmiers, médecin du travail, psychiatre, assistant généraliste : notre groupe de travail est marqué par des trajectoires professionnelles différentes, et c’est tant mieux pour qui se réclame d’une « hétérogénéïté » si chère à J.OURY. Malgré ces expériences variées, nous sommes facilement tombés d’accord sur l’existence de différentes formes de hiérarchie.
Mais voilà que la hiérarchie devient « subjectale », et que le débat s’anime au sein du groupe. Les avis divergent sur le sens à donner à ce mot, et ce d’autant plus qu’aucun dictionnaire ne peut nous venir en aide...quelle fichue manie que celle de ces psychiatres qui ne peuvent s’exprimer comme tout le monde ! Ceci dit, les néologismes présentent un avantage certain : ils permettent à chacun de les cuisiner à sa sauce ; subjectal comme subjectif, subjectal comme sujet, subjectal comme spatial, comme l’espace des compréhensions qui s’offre à nous.
Après que chacun ait pû donner son opinion, et que la somme des opinions égale le nombre de personnes présentes, nous avons pensé qu’il était plus intéressant de faire part de nos cheminements personnels dans la hiérarchie subjectale plutôt que de trouver à tout prix un consensus, tout en essayant de mettre en lumière quelques uns de nos points de convergence.
En somme, respecter notre côté subjectif, tel a été notre objectif...ou peut-être notre « objectal » !
Cathy FERREIRA, cadre infirmier.

DIPLOME UNIVERSITAIRE
PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE

EQUIPE SOIGNANTE ET HIERARCHIE SUBJECTALE : DANS QUEL CADRE ?

Cadre de santé depuis un peu plus d’un an , j’ai pris mes fonctions en psychiatrie adulte dans une unité dite de réhabilitation psychosociale mais en fait prenant en charge des patients atteints de pathologies chroniques.

Consciente de l’importance que peut revêtir la psychothérapie institutionnelle dans le bon fonctionnement d’un service, j’ai tenu dans un premier temps à recevoir chacun des membres du personnel en entretien pour entendre leurs attentes, leurs désirs, leurs projets au sein du service, mais aussi les critiques éventuelles sur le fonctionnement du service. Dans un deuxième temps, il m’est paru tout aussi important de rencontrer un à un les patients parfois hospitalisés depuis plus de vingt ans dans le service afin de faire connaissance et d’entendre ce qu’ils avaient à me dire.
Il me paraît essentiel de trouver sa place et de définir des objectifs de travail en tant que cadre soignant dans un service de psychiatrie au sein d’un hôpital général. En effet, aujourd’hui le poids de l’administration, le système hospitalier imposent au cadre de nombreuses fonctions administratives (ainsi qu’aux infirmiers) de gestion de temps de travail, gestion de stocks, tableau de bord.... En effet, la lourdeur des charges administratives et la volonté de la hiérarchie hospitalière font que le cadre de santé est bien souvent réduit à un travail de gestionnaire et nié dans sa fonction de cadre soignant.
Un autre écueil me paraît être la position d’un service de psychiatrie dans un hôpital général, service qui doit être et rester un lieu de rencontres et de désirs mais où le poids de l’administration et la technocratie essaient de formater le fonctionnement des services de psychiatrie comme des services de médecines ou de chirurgie. Des directives d’application de protocoles, de transmissions ciblées, de règles d’homogénéisation, de polyvalence des infirmiers (comme s’ils étaient des personnes interchangeables donc niant la question du transfert) annulent le moindre espace d’autonomie et de créativité donc de désirs pour cré des lieux mortifères.
La nouvelle gouvernance, l’hôpital entreprise où tout doit être organisé, contrôlé, maîtrisé, contribuent à rétrécir, étouffer cet espace de liberté.

En concertation avec l’équipe soignante, l’idée est venue de mettre en place des réunions soignants-soignés supervisées par un psychologue. Ces réunions ont pour but d’entendre la parole du patient, d’évoquer leur quotidien. Ceci permet de donner une place de sujet au patient, place souvent oubliée au sein d’une institution toute puissante (service fermé, des journées répétitives, sans responsabilité, absence de clubs thérapeutiques...).
Il m’est apparu nécessaire de travailler en collaboration avec une psychologue extérieure au service afin d’instaurer une réunion mensuelle avec le personnel soignant. Ces réunions répondaient aussi à un besoin exprimé lors des entretiens individuels que j’avais pu avoir avec les membres de l’équipe. Ce temps de travail leur permet de parler de leur pratique, de prendre de la distance par rapport à certains patients, d’analyser les situations de transferts et de contre transfert. En psychiatrie, il n’y a pas de réponses toutes faites, de protocoles ou de solutions miracles pour la prise en charge des patients. La gestion des phénomènes transférentiels passent par la réflexion sur le déroulement de la relation soignant-soigné.
J’ai pu constater une résistance de la part de certains soignants qui ne venaient jamais à ces réunions. Ils ne voyaient pas la nécessité de ce travail. Une des raisons pouvant expliquer cette résistance peut-être dans le fait que ces réunions au niveau historique de l’institution n’ont jamais été proposé auparavant.
Un travail sur l’anamnèse des patients a également lieu dans le service. L’idée de se réunir pour parler d’un malade permet de changer le regard que l’on porte sur lui et ainsi de changer l’ambiance, ce que Jean Oury appelle la pathoplastie.

Ce travail institutionnel a pu être mis en place progressivement sur une année grâce à un espace de liberté que l’on a bien voulu m’accorder malgré l’absence de soutien ou de reconnaissance dans cette démarche par la hiérarchie. Il ne s’agit pas d’un travail mené collectivement en psychiatrie adulte car les médecins ne sont pas impliqués.

Bibliographie

Ouvrages :

GUATTARI F, OURY J., TOSQUELLES F., « Pratique de l’institutionnel et politique », Ed., Matrice, 1985, 165 pages.

OURY J., « Il, donc », Ed. Matrice, 1998, 223 pages.

Revues :

Soins psychiatrique n°186 ;1996
Soins psychiatrie n°239 juillet/août 2005
L’information psychiatrique n°6 juin 1997
Michel BOUSSEMAERE, cadre infirmier

Hiérarchie subjectale et équipe soignante. Dans quel cadre ?

Reconfiguration des hiérarchies au sein de l’hôpital entreprise « en dehors du cadre institutionnel »...Ou vers une organisation scientifique d’un cadre de soins normalisés en psychiatrie

Dans cette période de transformation du milieu du travail des soignants et donc d’un changement de cadre pour les soignés, il semble que « c’est un enjeu décisif que de parvenir à interroger de telles évolutions qui s’affirment en déstabilisant les cadres de représentations traditionnelles sur le travail et des hiérarchies » (8) et à terme « sur la relation soignant soigné » .

Jean Oury (9 ) développe à maintes reprises, sur la base de concepts psychanalytiques, les enjeux des » rapports hiérarchiques au sein de l’équipe soignante qui sont transposés tels quels auprès des soignés « ainsi que la « valeur structurelle de l’entourage dans l’édification d’une partie du syndrome psychiatrique » (encore appelée « pathoplastie. ». P Delion (6) développe le concept de hiérarchie subjectale ...« les rencontres entre un sujet malade mental et les soignants qui l’accueillent dans un service de psychiatrie ne peuvent passer que par un premier niveau, celui du sujet dont la fonction peut être soignant puisqu’il en a le statut et donc le rôle. Mais pour qu’une telle promesse soit tenue, il est incontournable que le soignant soit lui aussi respecté par « sa hiérarchie » comme un sujet « . Cette définition de la hiérarchie institutionnelle répond sans doute au souhait de L Bonafé d’une hiérarchie permettant « un ordonnancement équilibré, harmonieux, des rôles et des responsabilités ».

Cependant il me semble que la mutation actuelle de l’hôpital et sa pseudo-logique économique risque de contaminer l’espace institutionnel. Cette crainte me semble confirmée par les auteurs d’un rapport de recherche « sur les relations hiérarchiques au sein des établissements de santé de septembre 2006 du Centre d’Etudes de l’Emploi. Ces auteurs constatent en effet une « reconfiguration de la hiérarchie »(8) imposée par de nouvelles techniques de management de « scientificisation du travail » (8)au sein des « établissement de santé. « Les établissements de santé ne sont pas organisés selon une unique structure hiérarchique mais selon une structure complexe croisant plusieurs hiérarchies interdépendantes : hiérarchies managériales (un cadre infirmier donnant des ordres à ses subordonnées), hiérarchie médicale (pouvoir prescriptif des médecins), mais aussi un ensemble de règles formelles (consignes thérapeutiques, managériales) et informelles (autorégulation des collectifs et arrangements interpersonnels) ou de pratiques incorporées ( les gestions de métiers) ». De cette reconfiguration émergent une « confrontation de logiques différentes et parfois concurrentes : logique technicienne (« bien soigner voir guérir » ), logique managériale (« soigner à un moindre coût ») ; logique relationnelle(« informer ; accompagner, écouter ») ». (8)
La logique financière semble ainsi prévaloir et justifier des techniques managériales qui tendent quant à elle « à supprimer les spécificités » de la pratique au sein des différents services et d’un service à l’autre (8) : « Protocolisation et certification de l’activité dans une démarche d’accréditation qui tend à uniformiser les pratiques » et « centralisation de la gestion de la main d’œuvre afin de casser les îlots susceptibles de se former dans les services, dans les unités ». L’objectif est de faire tourner davantage les équipes d’un service à l’autre et ainsi de supprimer des spécificités : turn-over des soignants au sein des différents services, sociétés prestataires.. ». C Dejours (4), quant à lui, démontre combien « ces nouvelles méthodes managériales ne peuvent être imputées comme on le pense à l’implacable logique économique, à la loi du marché, à la mondialisation et à la guerre économique. En effet ces techniques sont extrêmement lourdes et augmentent significativement la charge de travail « .
Par ailleurs « Ces méthodes ne doivent pas leur succès à leur pertinence technique vis-à-vis du travail, mais bel et bien à ce qu’elles apportent comme supplément de puissance. .. » .il parle même de »méthodes de domination »(4)
Les auteurs du rapport de recherche (8) constatent un décalage constant entre le travail prescrit(la tâche ) et le travail réel (l’activité) et insistent sur le fait que « la réalité du travail
ne peut être réduite aux plans des organisateurs, car ce sont des professions qui plus que d’autres appellent à l’improvisation ». Ils confirment ainsi le concept de C Dejours sur « le travail comme épreuve pour la subjectivité « . Intelligence pratique et opiniâtreté ne conduisent à la formation de nouveau savoir-faire que si la subjectivité entière est mise à contribution dans le rapport à la tâche »(3).« Aucune organisation, aucune administration, aucune institution aucune entreprise ne fonctionne si les agents s’en tiennent à exécuter strictement les prescriptions. Car si tel était le cas, il s’agirait d’une grève du zèle et le système tomberait en panne. »(4).

Au sein de l’équipe soignante il me semble nécessaire de réfléchir à la place dévolue aux psychiatres au sein de ces hiérarchies hospitalières complexes et inter-dépendantes. Ainsi l’évaluation des pratiques professionnelles prescrite sur le plan national par le ministère de la santé à tous les psychiatres français a de quoi surprendre.. Même C Dejours, pourtant chercheur en psychodynamique du travail énonce l’impossibilité de décrire le travail du psychiatre qui serait pourtant la première phase indispensable de l’évaluation des pratiques. « Nul ne sait même décrire en terme de travail en quoi consiste l’activité d’un psychiatre, tant elle est complexe et variable d’un praticien à l’autre, d’une clientèle à l’autre, d’un registre de soin à l’autre ».Pourtant « dans le cas de l’évaluation, le zèle à faire fonctionner ce système est d’autant plus important qu’il est facile de montrer que, quelles que soient les méthodes mises en œuvre, elles sont toujours fausses et injustes...La place qui revient au zèle est ici facile à identifier dans le succès de ces nouvelles prescriptions nationales. Quoiqu’il en soit l’étape décisive dont dépend la réussite du projet est la mise en œuvre de l’E P P sur une partie relativement faible de la profession. Réussir une première vague d’EPP, en l’absence de tout contenu, de tout fondement et de toute justification théorique et pratique, puisque sa visée n’est pas l’amélioration de la qualité, qu’on ne peut pas définir, mais l’accroissement de la domination des médecins. ».(4)

Je n’ose imaginer la forme ou les répercussions transférentielles de ce système de l’Organisation Scientifique du travail et donc du Soin, face à ces patients en grande souffrance de morcellement.pensée par des hiérarchies aux logiques contradictoires, organisant la division de la tâche, la pression temporelle, et ainsi déstructurant le cadre actuel pour appliquer l’éthique de la Normalisation ...

Et si à cause et grâce à leur folie, ceux qui sont dits « fous « , ceux qui fréquentent l’institution en tant que soignés en venaient à nous renvoyer l’image de notre propre assujettissement à des dogmes erronés...
Et à nouveau de citer J Oury « L’objet sur lequel l’effort doit porter doit être précisé. En effet-malades ou personnel- ces objets d’ »exploitation » sont des « objets sujets », et d’oublier le second tend à faire dégénérer l’ensemble des rapports humains qui se développent dans le groupe... ».
Et de finir avec F Tosquelles » sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît ».

Bibliographie :

1. Buzaré Alain ; La psychothérapie institutionnelle, c’est la psychiatrie ! de éditions du champ social

2. Dejours C Souffrance en France : la banalisation de l’injustice sociale, seuil 1998

3. Dejours C rapport final 2005 pour le ministère de la santé, commission thématique violence, travail, emploi et santé, 137p

4. Dejours aliénation et clinique du travail p122-144

5. Delion P « la psychothérapie institutionnelle une démarche » soins psychiatrie-1996-N°186 p7-20

6. Delion P Encycl Méd Chir, Psychiatrie, 37-930-G-10, 2001,19p

7. Jamet D J M e l’humiliation au respect des personnes

8. Jouvin N ; Wolf L « Entre fonctions et statuts, les relations hiérarchiques dans les établissements de santé »Rapport de recherche du centre d’études de l’emploi dans les établissements de santé ; septembre 2006 ; n°32 ;

9. Oury Jean Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle éd Payot

Ahmed BELLAHCENE, infirmier.

Équipe soignante et hiérarchie subjectale : dans quel cadre ?

PLAN

Introduction
Définition

Cas du choix aide soignant
Hiérarchie subjectale et équipe

Cas de l’hospitalisation
Hiérarchie et organisation du soin

Cas dysfonctionnement de l équipe
La hiérarchie n’empêche pas le conflit

Cas de la formation tutorat
Hiérarchie et hôpital entreprise

Conclusion
Position de la hiérarchie et équipe
Moi et la hiérarchie
Prolongement de la réflexion

La formation en psychothérapies me donne l’occasion de faire le point sur ma pratique infirmière et de réfléchir sur les interactions entre les différents membres d’une équipe pluridisciplinaire. J’ai toujours eu à cœur de positionner le patient au centre de mes intérêts avec le souci de remettre en question ma pratique soignante. Cependant dans mon expérience professionnelle « se donner une chance au hasard » ou s’en remettre à ses convictions « ne va pas de soit » forcement . Il faut même beaucoup de courage si l’on veut dire : « ça suffit » et résister à sa hiérarchie car je ne fais pas ce que je veux .
Je souhaiterais dans le cadre de ce mémoire réfléchir au sens que je veux (ou peux donner) à mon travail, évoquer mes convictions, mon engagement et finalement m’interroger sur les questions suivantes :
- Quelle est ma place dans l’équipe soignante ?
- Quel est mon rapport à la hiérarchie et son emprise sur moi ?

Clarifions d’abord la hiérarchie ; il existe, en premier lieu, une hiérarchie statutaire, pyramidale où chaque soignant à un rôle, une fonction qui correspond à son statut. Cette hiérarchie met l’accent sur une vision pragmatique, avec le souci d’optimiser l’organisation des différents soignants.
En second lieu, une hiérarchie fonctionnelle qui tient compte du sujet et de ses facultés d’initiatives, elle fait appel à des notions subjectives appelons là " la hiérarchie subjectale".
A ma pratique infirmière correspond une organisation complexe où cohabite le formel et l’informel, l’implicite et l’explicite ...., Le tout mobilisant notre savoir, notre savoir-faire et notre savoir être. La hiérarchie, de toute évidence, oriente et prédispose nos compétences où chacun des membres de l’équipe a une place définie et s’inscrit légitimement dans l’organisation du soin.
Pourtant, d’un point de vue pratique, on ne peut se satisfaire d’une hiérarchie aussi structurante, cloisonnée et souvent éloignée de nos réalités.
D’ailleurs, sur le terrain, j’ai souvent été amené à solliciter un aide soignant expérimenté plutôt qu’une jeune infirmière ; mon choix est fait dans le but de gérer au mieux une situation particulière (cas d agitation par exemple). J’ai donc procédé à une dé-hiérarchisation pour re-hiérarchiser de nouveau, c’est une manière de redistribuer les cartes de la hiérarchie où l’aide soignant me paraît plus compétent que l’infirmière a un moment donne. Il va de soit, qu’il s’opère dans les interactions quotidiennes des membres de l’équipe soignante, un remaniement permanent de la hiérarchie où cohabite la hiérarchie statutaire et subjectale. Cette dernière est donc directement liée à l’ambiance, du service où seule cette hiérarchie fonctionnelle permet d’entrevoir une autre approche du soin (sans nous départir pour autant de notre fonction principale et de nos responsabilités). Il est donc nécessaire de faire cohabiter ces hiérarchies dans une alchimie savamment dosée (sous couvert de nos supérieurs hiérarchiques) entre individus afin de facilité la bonne organisation de l‘équipe.

Par ailleurs, chacun sait que les médecins et les cadres de santé détiennent, de par leur statut un savoir opérant. Il est simple de comparer sans cynisme la fonction d’un agent remplaçable qui effectue des actions répétitives et celle d un responsable plus libre capable de décider. Dans ma pratique infirmière, je sais qu’il est difficile de s’opposer ouvertement à un supérieur hiérarchique. On le sait : « le chef a toujours raison ». Pourtant en psychiatrie ,il est primordial de ne pas faire l ’économie d’échanger et de confronter l’avis de chacun au-delà de son statut. Je suis convaincu que plus un soignant est impliqué dans un pouvoir décisionnel et plus il sera capable de modifier son comportement. La hiérarchie subjectale permet d’écouter et d’accepter l’autre, elle évite le cloisonnement des idées. En préservant son libre arbitre et le bon sens, la hierachie subjectale oxygène la hiérarchie statutaire, elle donne une consistance, une âme aux potentialités soignantes chères à Jean OURY. Elle permet de développer nos ressources et améliore la cohabitation de chacun des membres de l’équipe pluridisciplinaire.
La hiérarchie subjectale est une invitation à la relation, l’échange ; elle fait de nous des acteurs sur la scène du soin et des preneurs d’initiatives, elle soulage ainsi nos résistances et nos frustrations par un partage de responsabilités. Trop souvent dans les unités de soin existe un clivage entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, cet isolement met de coté toute une catégorie de personnel qui se sent incompris. La hierachie subjectale rétablie cet équilibre, donne alors un sens à la démarche thérapeutique où chacun quel que soit son grade peut se sentir investi d‘une mission auprès du patient. Elle favorise le mouvement, décloisonne l’équipe qui est alors capable de se réapproprier un savoir qui devient alors l’affaire de tous ; c’est ainsi que se construit l’hétérogénéité de l’équipe.

Il m’est souvent arrivé au cours d’entretiens infirmiers d’être à l’origine d’une hospitalisation d’un patient et de l’organiser auprès de mes collègues. Je sais que cette option m’est permise grâce à la confiance que me témoigne le médecin sans pour autant me substituer à lui au cours de l’entretien ni me passer de son accord en cas d’hospitalisation.Je sais qu’il peut y avoir un risque à prendre à la vue des responsabilités de chacun mais il vaut la peine d’être pris si on veut inscrire le soin dans un collectif et le voir dans un continuum. Bien sûr, je connais mon rôle, mon statut, mais comment ressourcer mon initiative, mon implication et mon engagement auprès du patient ?
En effet tout est une question d’interprétation, de transfert. Au-delà des exigences de mes supérieurs hiérarchiques (sans rentrer dans l’écueil narcissique du parfait infirmier obéissant) ce qui me motive c’est aussi le désir, mon envie personnelle de venir en aide au patient qui souffre. Ma vision de l’équipe et de la hiérarchie s’inscrit dans un perpétuel mouvement, une oscillation ininterrompue dans le brassage permanent des membres de l’équipe soignante ou le « je » de mon idéal se fond dans le collectif pour se transformer en ”nous” .
II est indispensable de revoir les principes de notre fonctionnement d’où la nécessité de repenser l’équipe sans cesse...même les crises sont nécessaires ; « soigner le patient c’est soigner l’institution » disait Pierre DELION.

Il ne s’agit pas de réciter dans son coin une partition mais plutôt de battre la mesure à l’unisson du collectif sous le tempo de la hierachie. En réalité la hiérarchie ne règle pas tout ; en discutant avec des collègues, la cohabitation est parfois difficile et ce pour une même fonction.
Ainsi, j’ai souvent vu des dérapages qui déstabilisent l’équipe, quand travailler avec l’autre devient difficile voir impossible. Il règne alors un climat d’incommunication où les non-dits circulent et alimentent les malentendus, le tout dans un climat de rancœur et de frustration ; le réactionnel l’emporte alors sur le relationnel et en bout de chaîne c’est le patient qui en pâtit...

Je suis actuellement une formation « tutorat » au centre hospitalier de Seclin, qui vise à venir en aide aux jeunes infirmiers sur le terrain afin de leur transmettre l’expérience des anciens. On se rend compte aujourd’hui des lacunes dans la formation actuelle des étudiants en institut de formation en soin infirmier peu adapté aux réalités pratiques du terrain. Pour ma part, au vu de la spécificité de la psychiatrie, cette formation me paraît superflue, je pense qu’il serait plus judicieux de se donner du temps pour comprendre pourquoi nous ne communiquons plus ensemble alors que la fonction d’encadrement s’inscrit naturellement dans notre pratique quotidienne. Transmettre son expérience, son savoir c’est l’affaire de tous pour le peu qu’on intègre l’autre dans sa constellation. Je pense que nous avons une part de responsabilité dans cette problématique relationnelle et que nous alimentons nous même les clivages en distinguant les bons « anciens »et les mauvais « jeunes »,comme nous l’avons fait aussi avec les infirmiers diplômés d état et les infirmiers de secteur psychiatrique. De manière assez caricaturale, notre entendement professionnel semble hiérarchiser une échelle qualitative du soin qui devient alors plus opérante chez certains que d’autres d’où une forme de ségrégation.
Pendant cette formation on met l’accent sur notre compétence, notre expérience et la nécessité de la transmettre...or, je ne veux pas être le dépositaire d’un savoir, convaincu que j’ai aussi à apprendre de l’autre qu ‘il soit patient ou soignant.
A mon avis ,le problème se situe à un autre niveau car depuis un certain temps, l ‘hôpital est confronté à une logique d’entreprise où seul le résultat compte, une sorte de déshumanisation technocratique prend naissance. Le soin tend à s’uniformiser, se standardiser et fait la belle à la hierachie statutaire. On ne parvient plus à nuancer notre activité, elle s’inscrit de plus en plus dans une lisibilité administrative calculée d’avance où la spontanéité et l’imprévu n‘ont pas de place.
Sous-investie, la hierachie subjectale est moribonde et les nouvelles techniques de management auront vite fait de formater le soin. Ce fonctionnement stigmatise une hiérarchie pesante et élitiste qui détruit notre imaginaire et notre créativité. Malheureusement, cette vison dogmatique du soin est de plus en plus présente, en atteste les nouveaux intitulés de profil de poste où l’on parle de fiches de poste pour les agents hospitaliers et de fiches de fonction pour les infirmiers : Une manière de renforcer les hiérarchies statutaires sans oublier actuellement la deuxième phase de l’accréditation qui s’attaque directement au soin par l’évaluation nos pratiques professionnelles.

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Nous l’avons vu, la hierachie est complexe dans son articulation, à toutes mes questions, il n’y a pas forcément de réponses, mais des ébauches de solutions. La hiérarchie se décline dans toutes nos institutions, elle porte en elle plusieurs significations, alors qu’aucune méthode ne permet de mesurer clairement son impact au sein de l’équipe soignante. La hiérarchie est présente et le restera, elle est nécessaire car elle garantit à la fois le cadre et la stabilité institutionnelle. Cependant, elle doit être nuancée dans son application, c’est la combinaison des deux hiérarchies qui harmonise le fonctionnement de l’équipe et lui permet de se faire entendre différemment.
En effet, l’infirmier est polyvalent, on lui demande d’élargir son champ d’intervention tout en rendant des comptes. C’est bien dans cette cohabitation du devoir et de l’initiative que se vivent les hiérarchies. La hiérarchie subjectale reste donc fragile dans ses limites, c’est un espace qui interroge nos motivations et nos ressources avec l’envie d’inscrire notre imaginaire et notre idéale dans un futur proche. “Tout est transfert disait” Jean OURY.

Quant à moi, je ne suis pas un décideur, mais je n’ai pas envie d être qu’une courroie de transmission, cantonné à un rôle d’exécutant prédisposé à obéir...La hiérarchie subjectale véhicule en moi cet espoir où chacun de nous quelle que soit sa fonction peut participer à l’édifice du mur du soin car cette hiérarchie là ne fige pas notre statut mais l’épanouit. A l’instar de cette cohabitation entre ces deux hiérarchies je fais le parallèle entre notre raison et notre inconscient ; c’est aussi dans ce rapport ambigu à la dialectique que la raison (hiérarchie statutaire) se heurte à notre inconscient (hiérarchie subjectale) et que notre inconscient échappe à notre raison.
Aussi, la hiérarchie prolonge ma réflexion sur la relation entre la liberté l’obéissance, l’imaginaire, le réel, pouvoir, savoir et finalement ce que je suis et ce que je voudrais être.
La hiérarchie interroge sur les paradoxes que nous portons tous en nous, de cette part d’opacité nécessaire pour réussir la rencontre avec l‘autre. La hiérarchie subjectale ne renforce pas notre pouvoir mais améliore notre savoir pour un meilleur savoir devenir. Préserver la hiérarchie subjectale c’est garantir une cohésion solidaire et humaine de l’équipe soignante pour que subsiste un liant entre décideurs et exécutants.

Thomas Dutoit, assistant généraliste.

PETIT CONTE D’UNE HIERARCHIE ORDINAIRE
OU
L’HISTOIRE DU GRAND MECHANT VOUS.

Il était une fois un étudiant en médecine travaillant ardemment et qui, à force d’un dur labeur et de longues journées d’amphithéâtre, passe du modeste statut d’externe (celui qui reste dehors) au tant convoité poste d’interne (celui qui entre enfin dans l’hôpital !).

Jusqu’alors il s’appelait « Tu », Tu l’externe ; mais cette promotion change même jusqu’à son prénom. Désormais, les infirmiers, aide-soignants, brancardiers et autres ASH lui disent « Vous ». Vous n’aime pas trop son nouveau prénom, il a du mal à s’y faire. Et puis il se dit qu’on l’appelle Vous comme les docteurs, comme les professeurs, comme les patrons ! Et Vous se sent fier car il appartient maintenant à la prestigieuse tribu de « Ceux-qui-savent » et qu’on écoute. Dorénavant, nul besoin de se cacher dans l’ombre du chef durant « la visite au lit du malade, [...] témoignage d’une maitrise et mise en scène d’un savoir souverain » [2].

Finalement tout à fait satisfait de son nouveau grade, Vous rentre seul dans la chambre des patients. Aux urgences ça se passe bien, Vous reproduit les gestes et discours enseignés par ses maîtres. Le malade est une dyspnée, une douleur thoracique, une déformation douloureuse du pied en varus avec oedème sous-malléolaire externe (bref une entorse). Vous applique des questionnaires appris, additionne les symptômes, en fait un syndrome et finit par reconstituer le puzzle de la maladie. Il ordonne un soin ou un traitement et quitte le patient, reconnaissant (Mais qui de Vous ou du patient est « reconnaissant » ?...).

Vous examine, choisit, décide, panse des plaies mais ne pense plus guère. Bien que satisfait de son nouveau grade, et alors même que ses compétences sont reconnues, il lui semble avoir abouti sans réellement être arrivé. Il finit par laisser de côté ces futiles pensées, ce d’autant plus que son semestre se termine et qu’un nouveau stage se profile : psychiatrie à Bailleul.

Vous est étonné en pénétrant pour la première fois dans l’enceinte close de l’EPSM, appelé « la grande maison » par les autochtones. Une atmosphère particulière baigne les lieux, empreinte des temps asilaires (passés ?...) et des mythes flamands, parfum de bizarrerie, voire de surnaturel. Ca ne ressemble en tous cas en rien aux hôpitaux que Vous a déjà fréquenté. Et comble de la surprise : « Ceux-qui-savent » ne portent pas la traditionnelle blouse blanche, n’arborent aucun signe distinctif, pas même un sthéto en guise de cravate ! Vous se dit alors qu’il pourrait être pris pour un patient, et cette considération saugrenue l’angoisse quelque peu. Il demande sur un ton faussement léger et plaisant comment distinguer malades et soignants ; le cadre lui répond :
« Les soignants, ce sont ceux qui ont les clefs, les autres, ce sont les malades. »
« Et c’est tout ?!... »

Bien que Vous trouve cette réponse ridicule, il s’empresse de se procurer un trousseau et questionne quelques membres de l’équipe à propos des pathologies de la population des lieux. On lui explique que certains des « sans-clefs » n’ont pas quitté l’EPSM depuis des semaines, que d’autres vivent là même, comme enfermés sur leur « Ils ». « Ils » comme « les autres », comme « Ils se plaignent, Ils remuent, Ils délirent, Ils ne respectent rien, Ils sont fous... »
Vous tache de rester stoïque et demande à recevoir quelques Ils dans son bureau, pour leur faire bénéficier de sa science, les sortir de leur miséreuse condition.

Le premier Il est triste, indifférent ; il pleure sans pudeur, dit qu’il veut mourir. Vous pense : idées suicidaires, apathie, aboulie, asthénie, amimie... et après qu’Il soit sorti, Vous lance glorieusement à l’infirmière qui l’accompagne :
 ? « Il est dépressif ! »
 ? « Ca c’est un scoop » répond cette dernière qui se permet même d’ajouter : « Je n’avais pas remarqué ! »
 ?
Vous ne relève pas ce propos ironique et poursuit son travail.
Le deuxième Il gesticule et parle sans cesse. Il interpelle Vous par son ancien prénom, tient des propos sans queue ni tête, s’esclaffe, se lève, s’assoit, rit, crie, radote, postillonne... Il amuse Vous une minute, puis l’agace de plus en plus et finit par devenir franchement insupportable car Vous ne peut pas en placer une, ne peut dérouler comme il l’entend son catalogue sémiologique. Il finit par sortir, non sans l’insistance d’un infirmier ; ses mots flottent encore dans la pièce bien après son départ, comme un écho.

Une pause indispensable et Vous poursuit. Le troisième Il est une Elle, jeune, mutique, et assez mignonne pense Vous qui immédiatement ejecte cette remarque de son esprit scientifique. Elle fusille Vous du regard. L’inertie de son corps tranche avec le feu de ses yeux. Elle demeure silencieuse malgré les injonctions de Vous qui se sent de plus en plus mal à l’aise. Ce silence, cette absence de réponse lui sont insupportable car ils reflètent son incapacité à comprendre, à diagnostiquer. Elle quitte brutalement la pièce. Vous est épuisé.

Pendant plusieurs jours, Vous répète rituellement les consultations. Il tente d’élaborer des hypothèses pathologiques, prescrit, se noie dans ses bouquins. Chaque soir, il rentre chez lui plus dépité et angoissé que la veille.
Vous finit par se plaindre de ces Ils indociles et de ces conditions d’entretien. Il reproche au personnel soignant leur manque d’implication, vitupère quiconque s’octroie une pause.
« On ne fout rien dans ce service » , « On n’avance pas... », « Les Tu sont incompétents »... Son discours devient acerbe. Vous regrette le temps des urgences et même son ancienne tribu des Tu.

Un après-midi, à la suite d’une série d’entretiens toujours aussi désespérants, Vous est au comble d’une humeur maussade. Une ASH du nom de Peggy, dont il ignorait jusque là l’existence, s’approche et lui dit :
« Vous voulez trop bien faire, vous vous usez à tout vouloir comprendre et changer. Ce qui est efficace, ce n’est pas ce qui est exact, mais de l’ordre de la vérité ». [6]

Vous médite cette phrase, et le lendemain, s’adresse pour la première fois à l’équipe du service pour leur demander leurs avis sur les Ils. Les Tu s’expriment alors sous forme de « Je » et de la même manière qu’il faisait la somme des symptômes aux urgences, Vous collecte les opinions de chacun. Des divergences se font jour, mais malgré les désaccords, un nouveau savoir partagé apparaît comme par miracle. Vous découvre des pistes de soins et son angoisse s’estompe. Il possède désormais un nouveau trésor né de la constellation des personnes présentes, tapi dans les entours, caché au fin fond des sous-jacences.
Vous est soulagé, souriant. Il conclue la réunion par un retentissant :
« Nous avons fait du bon boulot ! »

MORALE

Quand le grand méchant Vous accepte de ne plus fixer les règles du Je, alors il se transforme en gentil Vous qui Nous des liens...et chacun peut se promener sans crainte dans le Moi.

DISCUSSION

POSITION DE SAVOIR

« C’est un fait que dans le Collectif psychiatrique le médecin fait problème. » [5]

Cette affirmation énoncée par J.OURY apparaît assez sentencieuse à l’égard du corps médical, dénoncé comme individualité évoluant au sein d’un groupe. Et il est vrai qu’au sortir de ses études, un jeune interne a acquis la conviction d’un savoir et d’une maîtrise. Cette position de savoir lui confère une aura qui le convainc qu’il peut travailler seul, qu’il n’a besoin de personne , mais « il est abusif de croire -et tout le monde vous le fait croire- qu’on fait œuvre médicale simplement en étant médecin et en venant régulièrement à l’hôpital. » [5] . Le statut de médecin n’implique pas le soin, surtout quand il sert à marquer une différence de valeur, une manière différente d’ « être », quand il oppose médecin et autres membres de l’équipe ou médecin et malade. D’un côté celui qui sait, et de l’autres ceux qui ignorent. Or bien souvent cette attitude caricaturale non seulement empêche de reconnaître le potentiel thérapeutique de tout un chacun, mais surtout entretient l’illusion d’une connaissance totale et d’une pleine maîtrise. Elle empêche la reconnaissance de l’autre comme individu, comme altérité et ne permet pas la rencontre, surtout quand elle se situe « dans le secret et la contrainte (séductive ou armée) du bureau médical. » [8]

LA RENCONTRE

« La rencontre [...] peut se limiter aux répétitions des gestes et des paroles appris au cours des études, imités des patrons. » [2] ; et il semble possible de se soustraire à la dimension relationnelle du soin quand le corps du patient est perçu comme un assemblage d’organe dans lequel un dysfonctionnement traduit une pathologie. Mais quelle est la partie « psychiatrique » du corps ?
Je serais tenté de répondre : les mots, le discours ; autrement dit, rien de bien stable ou palpable. Car les patients nous parlent, et pas seulement de leur corps, et pas uniquement en psychiatrie. Ils nous parlent d’eux, de leur histoire, de leur souffrance. Le médecin éprouve alors une « difficulté à se situer entre deux positions antinomiques, celle de l’intimité et celle du soin. » [4]. On ne choisit pas son transfert, et, quand un patient fait appel à l’homme qu’il a en face de lui en tant qu’homme et non pas en tant que médecin, ce dernier voit surgir ses propres émotions, ses propres souvenirs. En redonnant à la relation sa dimension humaine, le praticien s’expose, ne peut plus se cacher derrière son statut, or « les médecins n’aiment pas sortir de leur champ propre, ni se frotter à d’autres thèmes. Preuve encore de leur insécurité et de leur manque d’ouverture. La pluridisciplinarité tant prônée ne va tout de même pas jusqu’à souhaiter l’hétérogénéité, que d’autres scientifiques que les médecins pourtant n’hésitent pas à affronter. » [2] Il perd de sa maîtrise et cela se traduit parfois par un sentiment d’échec et des réactions d’angoisse

LE COLLECTIF

« Tous les pièges de l’évitement d’angoisse (rationalisation, compréhension) doivent être déjoués [...] mais ils ne peuvent l’être que si l’angoisse est accueillie et tant que telle et non pas seulement maîtrisée. » [5]. Et faire le deuil de son sentiment de maîtrise pour le médecin revient à rompre avec la hiérarchie statutaire pour trouver une hiérarchie respectant l’individu, par exemple en reconnaissant le rôle soignant que chaque membre de l’équipe peut avoir au contact des patients. En reprenant le conte, cela revient à se défaire d’un « vous » de déférence et de différence pour instaurer « le primat du Nous sur le Je, par le canal de l’identification. » [8] Le « vous » peut ainsi devenir un « tu » d’appartenance à une équipe, à un collectif qui en lui-même génère un nouveau savoir. Ce collectif ne doit pas être fermé ou exclusif car « on vit dans des groupes différents, et on passe et l’on doit passer d’un groupe dans un autre groupe, aussi bien dans le processus d’individuation ou de personnalisation que dans la praxis de la vie sociale, qui est appartenance. Dans cette perspective, ce qui peut devenir « sémiologique », ce sont les signes de passage, les signes de leur articulation et de leur désarticulation. La sémiologie est celle des difficultés, des échecs, celle de la réduction des champs d’appartenance et d’action des malades. » [8]
Comme l’a si bien dit Alain BUZARE au cours de la journée de psychothérapie institutionnelle du 07/09/06 : « Le Nous tient grâce à la somme des désirs des Je. »

HIERARCHIE SUBJECTALE

« Ce renversement de la perspective du fonctionnement habituel des hiérarchies professionnelles s’articule autour d’une dialectique difficile : déhiérarchisation statutaire/rehiérarchisation fonctionnelle ou subjectale. » [1]
Au moment de conclure sur ce que représente à mes yeux la hiérarchie subjectale me reviennent quelques phrases entendues au cours de nos journées d’échange, des notes habillant les marges de mon cahier :
- Eviter que l’étrange devienne l’étranger.
- C’est avec des failles qu’on travaille
- Accepter une part d’opacité...

Et en pensant à cette part d’opacité qui est nôtre, je me dis que la hiérarchie subjectale, si elle peut concerner les rapports qu’entretiennent entre eux les individus quelqu’ils soient, correspond avant tout au rapport que chacun entretient avec lui-même. Elle se voudrait ainsi le reflet du conflit qui nous habite, la mise en lumière de nos désirs, de nos pulsions, de nos interdits ; en somme la révélation du « ça », du « moi » et du « surmoi » que FREUD décrit dans sa deuxième topique.

BIBLIOGRAPHIE

10. DELION.P « Thérapeutiques institutionnelles »
Encyclopédie Médico Chirurgicale, Psychiatrie 37930 G10 2001 4° édition 1996
11. ISRAEL Lucien « Initiation à la psychiatrie »
Editions MASSON 1984

12. JAMET J.M. « De l’humiliation au respect des personnes »
Soins en psychiatrie n°205 Nov/Dec 1999

13. MARTINAUD M. « Hiérarchie et changement institutionnel »
L’information psychiatrique n°6 Juin 1997

14. OURY J. « Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle »
Editions PAYOT 1976

15. OURY J. « Le Collectif. Le Séminaire de Sainte-Anne »
Editions CHAMP SOCIAL 2005

16. OURY J. « De l’inestimable du travail psychiatrique »
Pratiques en Santé mentale n°3 2003

17. TOSQUELLES F. « De la personne au groupe. A propos des équipes de soin »
Collection « des travaux et des jours. Editions ERES 1995