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Pourquoi des clubs thérapeutiques
samedi 23 septembre 2006, par
POURQUOI DES ASSOCIATIONS CULTURELLES EN PSYCHOTHÉRAPIE INSTITUTIONNELLE ?
OU « PAS DE CLUB THERAPEUTIQUE SANS ASSOCIATION CULTURELLE »
Nous tenterons d’illustrer cet adage de la psychothérapie institutionnelle : « pas de club thérapeutique sans association culturelle » en ayant à l’esprit non pas tant l’étymologie latine « adagium » signifiant maxime en référence à un droit coutumier, mais plus encore l’origine italienne « adagio » pour faire référence à des exercices chorégraphiques exécutés sur un rythme lent et destinés à parfaire les équilibres et les attitudes, et souvent, premières parties d’un pas de deux, toutes choses véritablement très utiles lorsque l’on se préoccupe d’accueillir les troubles psychotiques !
Pourquoi un ou des clubs thérapeutiques ?
La psychothérapie institutionnelle reste, comme le disait Félix GUATTARI, « une enfant fragile » et doit bénéficier de toute notre attention.
Les deux jambes que lui a toujours décrites François TOSQUELLES, la psychanalytique et la marxiste, continuent, à mes yeux, à lui donner son équilibre. Chacune d’elle nécessite beaucoup de soin : vous savez tout le mal que l’on dit en ce moment de la psychanalytique et du sort que d’aucuns rêvent de lui réserver ; quant à la marxiste, ce n’est pas simple non plus et cette référence à MARX nécessite toujours de préciser que le marxisme n’est pas à nos yeux ce que les dérives staliniennes en ont fait. FREUD et MARX, ces deux « excentriques » dont je parle dans les propos introductifs de mon livre, ont initié une pensée subversive, l’un dans le champ de l’aliénation psychopathologique et l’autre dans le champ de l’aliénation sociale. Et aujourd’hui encore, il me paraît d’importance de maintenir ouvertes les recherches, les théories et les pratiques dans ces deux champs à la fois distinctes et conjuguant leurs effets dans l’histoire de l’humanité.
Alors et alors seulement, dans nos lieux de soins, comme le dit Jean OURY « qu’il soit dans un état de déréliction, dans une sorte de no man’s land, dans une misère existentielle, voire physiologique, l’autre est là dans sa transcendance ; Autrui en personne, qui impose le respect, n’est jamais un « cas », mais une opacité subtile à laquelle on doit avoir accès par une procédure transférentielle toujours menacé par les intrusions aliénatoires d’une organisation massive ».
Reconnaître la dimension inconsciente de toute vie psychique en lui donnant toute sa place et travailler dans le champ psychiatrique (que ce soit à l’hôpital, dans un atelier ou dans un bureau) en tenant compte du transfert pour effectuer avec autrui un cheminement singulier, son cheminement, est ainsi une aventure qui ne sera jamais ordinaire, prévisible, jalonnable, évaluable.
Mais c’est une décision, un choix éthique : c’est soit... soit...Soit-il ne peut être question d’inconscient et de transfert que dans la cure - type, avec fauteuils et divans (certains l’estiment et chacun peut mesurer ce qu’il en est alors de leurs pratiques de la psychiatrie). Soit ces processus psychiques ne s’arrête pas à la porte des hôpitaux psychiatriques et des secteurs et ils sont à l’œuvre ici comme ailleurs. C’est un choix conditionné par notre désir car dans le cas contraire, cela aboutit inévitablement, inexorablement à dire et à faire qu’il y a donc des hommes et d’autres qui le seraient aussi, mais moins. Mais c’est alors un engrenage dont tôt ou tard personne ne réchappe. Lucien BONNAFE le dit très bien : « l’histoire nous a douloureusement appris que l’attitude mentale investit à décréter inintéressants tels êtres fins de document est la même qui approvisionne tous les glissements, tous les dérapages, vers l’expansion illimitée des catégories d’êtres inintéressants »
Ainsi, le concept de transfert multiréférentiel élaboré en cheminant en particulier avec les patients psychotiques nous apparaît bien plus riche et plus complexe que la seule « référence infirmière » dont il est question dans les dossiers de soins. D’abord parce qu’il met en évidence tous les processus de clivage, d’ambivalence, de transfert partiel et éclaté auquel nous avons quotidiennement à faire et qui amènent, pour véritablement tenir compte, en la rassemblant, de la vie psychique d’un patient psychotique, a réunir régulièrement sa constellation constituée des personnes réceptacles de ces transferts dissociés et divers. Ainsi, à un moment donné, pour Hadrien, l’état des lieux était le suivant : deux psychiatres, une psychologue, des « infirmiers boum-boum » autrement dits protecteurs et qu’il suffisait d’appeler en cas d’agression, des infirmiers « avec qui on peut parler » en particulier le soir avant d’aller se coucher, ceux de l’atelier journal, ceux de la commission culturelle, et « celui qui est un con et qui frappe les malades » (car personne n’a jamais dit que le transfert ne pouvait pas être négatif).Précisons que bien entendu les « infirmiers boum boum » sont de la vieille école et qu’ils ne peuvent pas piffrer ceux qui animent des ateliers et les réunions du club. Et pourtant, la réunion de cette constellation motivée par certains moments d’angoisse déferlante sur Hadrien aura eu, à plusieurs reprises, un effet d’apaisement. Il faut pour cela, parler des horaires de travail (ceux qui travaillent en équipe et ceux qui travaillent à la journée), de ce que chacun vient faire quotidiennement la et qui impose de se parler des patients que l’on soigne, de la complémentarité pour Hadrien de ces transferts multiples et de la complémentarité des contre-transferts de l’équipe. Il faut enfin que ces personnes pour se réunir et se parler, puis s’échanger sans se prendre les pieds dans les tapis de la hiérarchie, de l’inhibition, de la peur de la sanction etc.. On aperçoit la tout le travail préalable nécessaire de sous-jacence tant au plan collectif qu’individuel.
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