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Sur ABA et TEACCH, par Mileen Janssens
samedi 30 mai 2009, par
Ce n’est pas que je veuille répondre à la place de Pierre Delion à la question que vous posez, mais je présente quelques éléments dont j’ai parlé avec lui. M. Janssens
ABA et TEACCH
Les méthodes éducatives peuvent venir à l’aide des besoins de parents qui se voient confrontés aux problèmes de leurs enfants autistes dans la vie de tous les jours, surtout quand il s’agit d’enfants du spectre autistique, ou enfants Asperger, qui sont en mesure – quoique parfois avec beaucoup de peine – de se « tenir » debout sans résider en hôpital ou centre de jour. Et quand l’enfant se trouve dans un embarras chronique à profiter d’un « environnement facilitant », terme de Winnicott, un entourage où l’enfant trouve des d’outils pour opérer sa « maturation », dans la forme d’objets et valeurs qu’on laissé traîner autour de lui les adultes, processus décrit par Winnicott . Ce même Winnicott parle d’éducation : "Education means sanctions and the implantation of parental or social values apart from the child’s inner growth or maturation.” Si la maturation psychique normale est en panne comme c’est le cas pour l’enfant autiste, le recours à des apprentissages plus artificiels peut être un soutien, éventuellement. Que ces apprentissages puissent devenir une couche pas très bien intégrée dans la personne de l’enfant est illustré dans le livre policier "Eye Contact" de Cammie Mc Govern. L’auteur américaine (mère d’un enfant autiste) décrit comment les méthodes (dont on peut comprendre qu’il s’agit de méthodes ABA) ont bien aidé le petit protagoniste autiste profond à s’adapter un peu mieux et à "survivre", mais au moment de grandes émotions, ce qu’il avait appris, ne paraissait qu’une couche restée de surface. L’auteur n’est pas psychanalyste mais elle me semble avoir une bonne intuition de ce qu’est l’autisme. Elle est active dans des associations de parents aux Etats Unis. Elle met les parents en garde contre un optimisme irréaliste concernant certaines méthodes. Sur son site www.cammiemcgovern.com vous pouvez lire la présentation de ses points de vue et du centre qu’elle a créé (« Whole Children ») où elle se distancie des méthodes de conditionnement social. (Elle donne l’exemple de son fils : « prompting p.e. et lui donner des récompenses – reinforcements - ridicules : « frappes la balle une fois et tu peux retourner au sable ». Il faisait oui de la tête, obéissait et retournait à sa sable. Pas ainsi à « Whole children » où les parents ont découvert l’importance du jeu pour les enfants autistes - et autres enfants en souffrance -, comme le lieu où l’enfant apprend à « mesurer » le monde pour y trouver sa place, un lieu qui commence tout près de l’enfant. »)
Dans l’enseignement les méthodes TEACCH peuvent montrer leur validité, si elles sont utilisées avec modération. A l’aide de ce support l’enfant peut parvenir à mieux s’orienter dans le temps et l’espace. L’organisation de tâches par la méthode TEACCH peut l’aider à acquérir plus d’autonomie. Tout de même Francis Tustin conseille ceci : « A skilful working together of both educationalists and psychotherapists who have developed insights into the deep needs of the encapsulated child seems to be the answer. » Elle conseille d’utiliser les méthodes éducatives de façon tempérée , pour ne pas fortifier les barrières autistiques. Même un des « founding fathers » du TEACCH, Schopler ou Reichler, dans les années ’90 (à un congrès), a averti de ne pas utiliser le TEACCH pendant 50 – 60 h par semaine, comme il l’avait constaté dans certains services aux EU : n’oublions pas qu’un des symptômes les plus reconnus de l’enfant autiste est l’ « insistance on sameness », la tendance « naturelle » de l’enfant autiste à faire durer ce qu’il est en train de faire et de vivre dans une continuité obsessionnelle avec son environnement. On sait trop bien que la personne autiste éprouve toute interruption de cette continuité comme une infraction. Il y a des auteurs (psychodynamiques) qui parlent d’une hypertraumatibilité de l’E.A. : chaque interruption étant vécue comme un traumatisme.
Les méthodes de « visualisation » peuvent certainement être utile à mettre en marche ou à soutenir une communication avec l’enfant. Un fichier avec les moments à venir et les tâches à faire peut même amener à l’ouverture d’une interaction trop collante (avec les collisions connues) qui est souvent recherchée par l’enfant autiste. Des méthodes de « visualisation » et de structuration peuvent ainsi installer le début d’un triangle interactionnel qui prend d’autant plus de sens quand il peut être élaboré dans des moments thérapeutiques et des entretiens avec les parents.
« Applied Behavior analysis » ou ABA
L’ analyse de tâches en tâches partielles et l’apprentissage de celles-ci peut se montrer utile si on n’est pas trop fanatique et s’il n’est pas nécessaire de recourir à des stimulis aversifs. Autrement dit s’il s’agit d’enfants ne se perdant pas trop dans des stéréotypies et automutilations. Tout de même, l’exemple semi-fictif suivant veut illustrer l’unidimensionnallité de la façon de faire ABA.
Imaginez-vous que vous voulez apprendre à un enfant autiste ayant un handicap mental, à remplir un verre sans faire déborder l’eau et que ça ne réussit pas. On peut effectivement ajouter des stimuli discriminatifs toujours plus fins, pour faire avancer l’apprentissage. Et c’est vrai qu’on peut aboutir à l’accomplissement de la tâche par l’enfant après d’innombrables exercices. Quelqu’un qui observe ce même enfant du point de vue de la pathologie au niveau de l’image du corps et des « symptômes qui nous parlent d’autre chose », notamment d’angoisses, pourrait arriver à d’autres conclusions et à une autre prise en charge. L’enfant dont je parle était incontinent. Il se peut très bien qu’il mette en scène, par cette impossibilité de remplir un verre sans débordement, des questions concernant « ce qui coule dans et de son corps ». Il n’a pas la créativité symbolique propre à un metteur en scène d’ un spectacle de théâtre mais il a une créativité certaine au niveau de l’expression par son corps, pour laquelle traducteurs et interprètes sont nécessaires puisqu’il s’agit d’un « langage » présymbolique. Cette « question » de l’enfant, lue par de bons soignants, éducateurs ou thérapeutes qui ont appris à « lire » les symptômes exprimés de façon corporelle, pourrait être travaillée dans un atelier « pataugeoire » : l’image et le schéma corporel peuvent y être travaillés, expliqués, joués etc. en présence de thérapeutes (p.e. des psychomotriciens)
L’ABA qui – en Europe – est à l’instant le plus réclamé en France, provoque des réserves à cause de l’utilisation de stimuli aversifs, et pas seulement dans le passé. Dans la période où Lovaas a commencé à développer les méthodes connues, il a pris le défense des agressions au corps de l’enfant : dans deux anciennes interviews il a justifié pourquoi ses assistants administraient des gifles aux enfants (vous trouvez les liens vers ces sites – avec des photos - dans des commentaires plus haut) et il y a plusieurs articles qui estiment l’effet de chocs électriques administrés aux enfants autistes. Après-coup il a nié ce recours aux stimulis aversifs. En tout cas dans certaines institutions pour enfants gravement perturbés qui s’expriment en faveur d’utilisation de méthodes de conditionnement dur « si nécessaire » on utilise jusqu’à ce jour des chocs électriques. J’ajoute un lien du Judge Rotenberg Center (Massachusetts), où on justifie l’utilisation de chocs électriques pour des enfants qui présentent des automutilations extrêmement graves (dont des enfants autistes) ou pour enfants extrêmement agressifs. L’efficience de ces chocs semble être vérifiée par des recherches scientifiques, que vous pouvez lire ici : www.judgerc.org choisissez « Information for the media », puis l’article de « Van Oorsouw, Israel, von Heyn and Duker . Side Effects of Contingent Shock Treatment.” On peut y lire qu’on mesure le lien de base des comportement en exerçant des procédures aversives « douces », p.e. « contention mécanique ou physique = tenir les bras, les jambes, le haut du corps, pour des durées jusqu’à 6 h. » Ces méthodes sont utilisées pour tempérer automutilation et agressivité. De surcroît sont donc administré des chocs électriques à la hauteur de la peau. J’ajoute en-dessous quelques liens vers des associations de parents d’enfants autistes qui contestent cette façon de faire.
J’ajoute le lien vers la site de Lovaas où vous pouvez découvrir la comparaison des effets de 3 méthodes : TEACCH, ABA et DIR (Floortime de Greenspan, un psychanalyste qui a développé une méthode intéressante qui s’effectue dans des circonstances de jeu, entre soignants/ parents, enfants). Lovaas ne mentionne pas que les effets positifs de la méthode ABA (les prétendus 47 % de normalisation) n’ont pas pu être répliqués plus tard. Lui-même se limite à dire qu’ « une grande minorité d’enfants » éprouve des effets positifs.
http://www.lovaas.com/approach-diff...
La méthode Floortime : voici un lien vers le programme du congrès la semaine prochaine à Amsterdam :
http://www.rino.nl/paginas/37863.html
Le centre où on administre des chocs électriques aux enfants perturbés (autistes et autres)
http://www.judgerc.org/ avec des articles justifiant ces « méthodes » discutables. Lisez l’article “Response to articles that have recently apeared in blogs (Information for the media)”.
On peut se demander si on ne peut pas reformuler la question :
si on ne parle que des enfants en grande souffrance et si le packing sera interdit pour eux, qu’est-ce qu’il y a comme méthode alternative pour les enfants gravement en souffrance ? La contention, les chocs électriques, la fixation au lit ??? http://disabledsoapbox.blogspot.com
“On the basis of what autistic people themselves have said about ABA, I think that it should be banned under UN Resolution 3542 (and others).” http://autismdiva.blogspot.com/2006...
M. Janssens
Messages
1. Sur ABA et TEACCH, par Mileen Janssens, 1er juin 2009, 21:46, par Josiane Thierry
Imaginer qu’un enfant a du mal à remplir un verre sans faire déborder parce qu’il est incontinent relève de la pensée magique. Et je crois que c’est un exemple tout à fait pertinent des interprétations totalement fantaisistes des psychanalystes.
Quant à vos arguments sur l’ABA, il s’agit tout simplement de désinformation :
Voir en ligne : http://www.behavior.org/AUTISM/inde...
1. Sur ABA et TEACCH, par Mileen Janssens, 1er août 2009, 16:40, par Jean29
Le rapport Baghdadli analyse, dans son chapitre 5, toutes les études publiées sur l’ABA.
l’absence de randomisation,
l’absence de mesures directes et exactes du nombre d’heures de traitement (40 heures correspondent à l’intention du programme et non au nombre d’heures hebdomadaires calculées),
l’absence de détails sur la co-occurrence d’autres interventions dans le groupe traité,
l’absence d’évaluation de la symptomatologie autistique et du diagnostic à la fin de l’intervention,
l’absence de données sur la variabilité intra-groupe susceptible de fausser les données.
l’utilisation par Lovaas du terme normalisation (« recovered ») alors que, comme le précise Shea (2004)’ aucune mesure des observations faites par les enseignants n’a été rapportée dans la recherche de Lovaas (1987). La conséquence est qu’il n’est pas possible de conclure, comme le fait Lovaas, que les enseignants ne peuvent différencier les enfants du groupe expérimental de ceux au développement typique.
il ne peut pas exister une méthode exclusive de prise en charge efficace pour tous les troubles autistiques étant donné leur importante variabilité et toutes leurs problématiques
Les limites indiquées de l’étude initiale :
Et la conclusion :
1) Les programmes intensifs précoces semblent améliorer le QI et les compétences langagières, mais ces progrès sont moins importants que ceux rapportés initialement par Lovaas
2) Les programmes intensifs précoces semblent surtout efficaces chez les enfants dont le niveau de développement cognitif est plus élevé
3) Les programmes intensifs précoces semblent plus efficaces chez des enfants ayant des TED non spécifiés que chez ceux ayant des troubles autistiques.
4) Le programme Lovaas semble plus efficace qu’une intervention éclectique.
1) Le programme précoce intensif influence-t-il les comportements adaptatifs ?
2) Quelle intensité de programme doit-on proposer aux enfants ?
3) Ce programme est-il efficace à long terme chez tous les enfants ?
Mais de nombreuses questions persistent :
L’étude menée par Lovaas et celles qui ont suivi ont, malgré leurs inconvénients méthodologiques, le mérite d’être les premières et les plus rigoureuses expérimentations sur l’efficacité des interventions utilisées dans l’autisme. Toutefois, même si leur niveau d’évidence est plus élevé que celui de la plupart des autres études, il n’est pas suffisant pour affirmer actuellement l’efficacité de ce type de programme d’intervention chez tous les enfants atteints de troubles envahissants du développement.
Voir en ligne : Chapitre 5 (pp 65-83) Interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques proposées dans l’autisme
2. Sur ABA et TEACCH, par Mileen Janssens, 11 août 2009, 20:19, par Jean29
M. J. écrit :
La méthode peut être intéressante, mais y-a-t-il des résultats publiés et répliqués.
Elle me fait penser à la méthode des 3I (AEVE :http://www.autisme-espoir.org/ ) promue dans le service du Pr Delion.
Et pourquoi pas la Thérapie d’Echange et de Développement développée à Tours ?
Voir en ligne : LA METHODE DES « 3 I » - conférence à Lillle