Accueil > Psychanalyse & Sémiotique > Articles publiés > Trialogue : Michel Balat – Jean Oury – Marie Depussé

Trialogue : Michel Balat – Jean Oury – Marie Depussé

lundi 10 décembre 2007, par Michel Balat

ÉCRITURES ET PSYCHOTHÉRAPIE INSTITUTIONNELLE

Mardi 9 mai 2002

Trialogue : Michel Balat – Jean Oury – Marie Depussé

M. Balat : L’histoire du scribe n’est pas de moi. Elle vient de Peirce, dont Lacan faisait grand cas. Il s’est demandé : que faut-il pour pouvoir dialoguer ? une feuille d’assertion sur laquelle le scribe écrit, et où quelqu’un d’autre, appelé l’Interprète vient faire des transformations selon des règles précises d’interprétation.

La feuille représente l’univers du discours, sur lequel le scribe et l’interprète s’accordent pour parler. L’univers du discours donne lieu à des tas de productions possibles. Il faut ajouter à cet univers du discours, une fonction plutôt qu’une personne : le « muser ». Nous musons tout le temps. La situation est la suivante :

Un museur qui muse tout le temps

Un scribe qui parfois inscrit

Un interprète qui dit : si vous, le scribe, avez écrit cela, c’est que vous, le museur, le forgiez

Le scribe inscrit. Il est celui qui décide d’inscrire. Personne ne le lui demande. La fonction scribe saisit un surgissement à partir d’une réflexion externe.
Première saisie du scribe : il ne sait pas ce qu’il va inscrire, ce qui signifie qu’il y a une part de tuché, de hasard, dans son activité. On pourrait dire, même si c’est difficile à soutenir, le scribe inscrit par hasard quelque chose qu’il ne sait pas qu’il va inscrire. On s’en rend compte dans notre travail, on ne sait pas, on dit quelque chose, on ne sait pas pourquoi. Quand on n’est pas un scribe mais un peu interprète, on peut inhiber ce qu’on va dire. Un jour où l’on faisait les prévisions du samedi, on amène un jeune homme sur son lit, je le vois de loin et je me dis : pourquoi tu n’es pas mort ? je pense : tu ne vas pas dire ça. Dans un second mouvement, je me suis dit : obligé, et je lui ai dit : pourquoi tu n’es pas mort ? Les effets ont été extraordinaires sur l’équipe, tout le monde pensait ça finalement, et lui, ça l’a aidé et il a pu en sortir. La question du scribe est là, elle surgit par hasard on ne sait pas pourquoi, il n’y a pas de raison. Le scribe est sans raison, il est un produit tychique (la tuché). Il est dans une drôle de position car il ne peut pas calculer les effets de ce qu’il a inscrit. Ils sont incalculables les effets de l’inscription, nul ne peut savoir ce que ça donnera. On pourrait dire que le scribe ne sait pas ce qu’il a inscrit, sa position éthique serait de dire : j’obéis à une nécessité tychique de l’inscription, je ne sais pas ce que j’ai inscrit ni pourquoi j’ai inscrit, mais je l’ai inscrit.

Le scribe et la feuille d’assertion font corps, ils sont étroitement dépendants l’un de l’autre. Il y a une complicité entre le scribe et la feuille d’assertion. La feuille d’assertion ce n’est pas la feuille de papier, même s’il y en a une. (…)