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Violence et inscription

mardi 9 mars 2010, par Michel Balat

Violence et inscription

Minard :

"Michel Balat qui n’était jamais venu à Dax mais que l’on retrouve régulièrement à St Alban, Marseille, Michel Balat est sémioticien, psychanalyste, il travaille beaucoup auprès des comateux et il va maintenant nous causer et il va nous dire ce qu’il avait à nous dire ce matin. Le titre est : "Violence et Inscription".

Michel Balat :

Parler de la question de la violence s’est posé pour moi il y a une dizaine d’années, lorsqu’on m’a proposé de participer à un colloque sur ce thème. J’ai refusé l’invitation car je n’avais alors qu’une seule idée et ça ne me semblait pas suffisant pour causer. Jacques Pain m’a confirmé que j’avais eu raison parce qu’une seule idée cela ne suffisait pas. Quand Michel Minard m’a demandé de venir à celui-ci, le problème est que je n’avais toujours qu’une seule idée... mais ça avait l’air de lui suffire, j’espère qu’il en sera de même pour vous.

À vrai dire, c’est une idée qui est arrivée à la suite d’un événement comme on en connaît de temps en temps, dans le travail clinique. Je vous raconte l’événement en question : ça se passe à Château Rauzé, cette clinique près de Bordeaux où l’on s’occupe de personnes en éveil de coma. Quand la réunion allait commencer, avec des blessés qui sont en réadaptation, en rééducation, on me dit : « attention il y en a un qui est violent ! » C’était vrai. Il était violent, il gueulait, il tapait avec sa canne un peu partout, mais il était suffisamment amoché pour ne pas mettre les autres en danger, il ne pouvait pas courir, etc. On m’a dit « tu vas voir, dès qu’on va commencer la réunion, il va hurler, il va gigoter sur sa chaise, il va essayer de taper sur les voisins et puis il se lèvera et il partira en claudiquant. »

La réunion s’ouvre, et comme d’habitude je demande : « de quoi parle-t-on aujourd’hui ? » C’était une réunion avec des blessés, avec toute l’équipe et là, tous, d’un seul chœur : « DE LA VIOLENCE » !

Il me semblait comprendre pourquoi... À ce moment-là, à peine l’ordre du jour avait-il été établi, que notre bonhomme se met à éructer, à hurler littéralement, enfin c’était effrayant d’entendre ça, et il termine son exorde et sa péroraison en se levant, furieux. C’est alors que se produit un coup de chance, ça n’arrive pas tout le temps, mais alors là c’était vraiment un coup de chance. Il se trouve que j’avais écouté, j’avais écouté ce qu’il disait,- ce qui était un exploit, enfin j’étais un peu moins sourd qu’actuellement, enfin ça fait 10 ans, et j’avais donc pu écouter tous les mots et les phrases qu’il prononçait, par chance -, donc, au moment où il se lève, je lui dis : « C’est pas mal ce que tu as raconté ».
Là, tous me regardent d’un drôle d’air comme pour me dire, mais enfin il n’a rien dit, guettant dans mon regard si je plaisantais. Le bonhomme s’arrête alors un moment, me regarde et j’ai répété pour les autres ce qu’il avait dit. Il s’est assis, à nouveau, et il est resté fort sage pendant 2 heures à participer à la discussion générale.

Voilà un petit épisode, simple. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat.
(...)